Deux années ont passé.
Madame Jolibois exerce toujours sa fonction de directrice aux Fils
d'Argent.
Elle a obtenu qu'un
directeur adjoint soit nommé pour la seconder dans ses tâches et
tout se passe au mieux. Très moderne, celui-ci se fait appeler par
son prénom - plutôt les initiales de son prénom : JC.
Tous les membres de la communauté l'aiment bien. Il est serviable,
dévoué et arrangeant.
Cependant beaucoup de
choses ont changé. La fidèle secrétaire Marguerite a pris sa
retraite. Et elle manque beaucoup à tous. Si certains pensionnaires
ont hélas disparu d'autres les ont remplacés, ceci de manière tout
à fait inéluctable.
Madame Vieillefosse, bon pied, bon œil ne loge plus à la maison de retraite depuis peu. Tout le monde se souvient – surtout Madame Jolibois d'ailleurs – du jour où des travaux ont commencé tout à côté. Évidemment certains se sont offusqués : mais voyons donc, comment se fait-il que Madame Vieillefosse se permette cette intrusion dans le terrain à côté ? Est-elle devenue folle ? Il faut un acte de propriété pour... Il faut un certificat d'urbanisme pour...Il faut un permis de construire pour...Il faut ci, il faut ça ! On ne peut pas... On ne doit pas...Et je ne sais quoi encore !
Eh bien tout le monde a fini de ratiociner quand on a appris que Madame Vieillefosse née Blanche de la Barbe avait hérité de tous les terrains avoisinant la maison de retraite (et pan sur le bec !) Même de celui où est implanté cette dernière. Même la maison lui appartenait en propre. C'est ce que Madame Jolibois a découvert en faisant quelques recherches. La bâtisse, une grosse maison bourgeoise à laquelle ont été greffées deux ailes était propriété de la famille de la Barbe, parentèle de Madame Vieillefosse. Elle avait été acquise par la municipalité il y a quelques années, vendue par Madame Vieillefosse pour éponger les dettes de son époux d'alors, un vaurien ivrogne et fainéant. Bien entendu, la vieille dame ne se vantait pas de cela.
Contrairement à ce qu'avait affirmé son gendre le sous-préfet, sa belle-mère n'avait donc acheté aucun terrain et ce n'était pas une salle de bal qu'elle voulait faire construire mais bien une maisonnette de plein pied pour être proche de la maison de retraite en cas de besoin. Personne ne peut y trouver à redire et je crois que le sous-préfet s'était un peu moqué de Madame Jolibois le jour de leur entretien téléphonique.
Aujourd'hui la maison de retraite bruisse comme une ruche. Les pensionnaires font d'incessantes allées-venues entre la résidence et la nouvelle habitation de Madame Vieillefosse. Certains portent de lourds plats chargés de petits fours, d'autres poussent des chariots remplis de glacières où tintent bouteilles de champagne et jus de fruit. Un livreur dépose des bouquets de roses rouges sur la belle terrasse où l'on a installé de longues tables recouvertes de nappes blanches brodées au chiffre de la propriétaire des lieux. On rit. On s'interpelle en ce beau jour d'été. Des résidents férus de musique ont formé un petit orchestre. C'est la fête.
Une grosse voiture s'arrête. C'est la mercedes de Monsieur Patrick Vertich. Il descend et galamment ouvre la portière à son épouse Blanche. Lui, en élégant costume trois pièces noir et nœud papillon parme assorti à la tenue de sa femme resplendissante en longue robe mauve pâle. Les jeunes mariés reviennent de la mairie où ils ont échangé leurs vœux en présence de leurs témoins Madame Jolibois et le nouveau directeur JC.
Après un après midi où chacun s'est congratulé, amusé, sustenté, où des souhaits de bonheur ont été formulés gaiement à l'égard des nouveaux époux, on regagne la maison de retraite toute proche qui à pied en titubant un peu, qui en fauteuil roulant ou avec déambulateur.
Soulagés de se retrouver enfin seuls, les mariés apposent en riant une plaque dorée sur leur porte où l'on peut lire « chez Pat'Blanche » allusion à leurs prénoms respectifs mais aussi avertissement signifiant qu'on ne peut pas déranger trop souvent.
Excellent : on a eu notre ratio (ciné) de "happy end" !
RépondreSupprimer"Pat'Blanche" ! Eh ben dis donc, Yvanne, il est chaud ce feuilleton d'...hiver !,)
RépondreSupprimerPourrais-tu m'indiquer le montant mensuel de la pension complète que je sache si j'ai une chance de pouvoir m'inscrire ? ;-)
RépondreSupprimerElles sont chères les maisons de retraite mais certaines sont animées. J'en ai fréquenté et je peux dire que les vieux ne sont pas tous amorphes. D'ailleurs, le cas échéant ça ne me fait de peine d'y finir ma vie pourvu que je n'ai pas une chambre impersonnelle.
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