Les deux chiens et l’enfant,
Accompagnés de ses parents,
Dans la neige sont allés,
Pour se divertir et jouer.
Voilà que dans une congère,
Un trou béant à l’enfant sembla plaire,
Comme un terrier faisant office de cabane,
Il y entra avec ses bêtes, on voyait dépasser leurs cranes.
Ce n’étais pas un igloo mais cela pouvait faire l’affaire,
En mimant un lapin il eut une sucette,
Et ses animaux quelques croquettes.
Sa joie il l’exprimait devant père et mère
Le chérubin alors s’imagina en inuit,
Même, qu’il voulut rester là jusqu’ à la nuit.
Mais la froidure eut raison de son initiative,
Tremblotant, il sortit vite de sa demeure,
Sans attendre cette heure tardive,
En avouant que cette sortie était la meilleure.
Le lendemain à l’école à ses copains a raconté,
Son aventure sans oublier d’exagérer.
Tiens te voilà Jacky ! Tu ne viens pas me parler de Louis j'espère ?
Il faudra bien pourtant que je te raconte ma visite à la maison de retraite.
Pas la peine. Je t'ai déjà dit que ça ne m'intéresse pas.
T'inquiète. Ce n'est pas le sujet du jour. Tu as reçu une carte de Brigitte ?
Brigitte ? Celle de Macron ?
Peuh ! N'importe quoi ! Brigitte. La présidente. Notre présidente. De notre association « Cavadou et Truffadou ».
Ah mais c'est ta copine. Pas la mienne. Ça risque pas qu'elle m'envoie des mots doux.
Des mots doux ! Jaloux va ! Si t'étais moins sauvage aussi. En plus tu ne viens jamais aux réunions.
Pour faire quoi ? Du blabla ces séances. Vous avez tous la réunionite aiguë. Et du temps à perdre.
Tu penses ce que tu veux. Tu es bien content quand elles aboutissent à quelque chose qui profite à tous.
Ouais. Tu me fais la morale là ? Viens plutôt boire un café.
C'est pas de refus. Le temps s'est rafraîchi.
Alors qu'est ce qu'elle te raconte Brigitte ?
Figure toi qu'elle est allée à Gotland.
Au Groenland ? Qu'est ce qu'elle est allée fiche au Groenland ? Il y a des truffes au Groenland ?
Elle a passé une semaine sur l'île de Gotland. C'est en Suède. Et tu ne crois pas si bien dire. Oui on y ramasse des truffes imagine toi. Et des belles il paraît à Gotland.
Y en a pas assez chez nous des truffes ? Et certainement bien plus parfumées.
Elle a été invitée à un séminaire sur la culture de la truffe par le « Gotland Tryffel Akademi ». Ces échanges étaient très intéressants écrit-elle. On lui a posé beaucoup de questions sur notre champignon. Je crois qu'elle a rendu la politesse : à Noël nous recevrons le président de leur comité.
Mais dis donc qui paie tout ce tralala ?
Ce sont des échanges . C'est important les échanges. Tu ne vas pas mégoter là dessus tout de même ?
Voilà où passe l'argent des cotisations ! Alors que nous aurions besoin de prospecter pour trouver plus de marchés pour écouler nos tubercules quand il y a abondance.
Grincheux ! On les écoule facilement nos truffes. Inutile d'engager des frais pour rien. Tu ne vas pas te plaindre si ? C'est toi qui en vends le plus sur le marché de la Guierle à Brive. Regarde plutôt la belle photo que Brigitte vient de m'envoyer sur Whatsapp. Elle a prolongé son séjour à Kiruna pour dormir dans un igloo et voir les aurores boréales. Et à ses frais Monsieur ! Elle est belle hein ?
Qui ? Brigitte ? Moi je préfère les chiens.
Je te parle de la photo imbécile !
On s'est bien amusé
hier
on s'est photographié
La lumière
était belle
On a creusé un tunnel
dans la glace
on y a pris place
serrés comme des saucissons
ou plutôt trois gros glaçons
pris dans une souricière
une sorte de glacière
le bonnet sur le côté
avec le pompon gelé
les chiens étaient trop mignons
De retour à la maison
il y faisait si bon
le chat faisait ronron
et on était fier
d'être dans la glace hier !
- Salut Wally ! Tu m'as appelé ?
- Oui mon frère, je m'ennuie un peu tout seul !
- Dis donc, on ne se croirait pas vraiment en Provence !
- À cause de la neige ? C'est les Alpes ici tu sais...
- C'est toi qui as creusé ce boyau ?
- Non, c'est ma bipède ici à côté...
- Quelle drôle d'idée... pourquoi elle a fait ça ? et pour quoi on est là ?
- Pour se cacher et la tenir au chaud !
- Se cacher de qui, de quoi ?
- Des gens du patelin...
- Elle sait que son col rouge ça va pas aider côté camouflage ?
- C'est qu'une bipède, tu sais...
- Ouais, ils sont pas très futés hein ? Et les gars du patelin, pourquoi ils la cherchent ?
- Ben, ce matin, avec son pick-up, elle est descendue au village acheter des croissants pour toute la bande...
- Et alors ?
- Alors, sous la neige, il y avait de la glace...
- Et alors ?
- Alors, le machin a glissé !
- Et alors ?
- Alors, c'est une borne d'incendie qui l'a empêché de verser dans le ravin !
- Et alors ?
- Alors, la borne s'est un brin arrachée...
- Et alors ? Et alors ?
- Alors... depuis, y a plus d'eau dans le patelin !
- Ah ouais ! Quand même ! ...... T'as pensé à amener de la bouffe ?
— QG à Alpha-Lulu, vous me recevez ?
— Cinq sur cinq. Les chiens sont sortis, l’enfant aussi.
— Parfait. Phase 2 enclenchée. Localisez le fromage.
On ignore toujours pourquoi le Comté 48 mois d’affinage s’est volatilisé du frigo diplomatique de l’ambassade suisse. Mais ce qu’on sait, c’est qu’une fillette de douze ans et deux bergers australiens ont été vus en train de creuser un tunnel dans la banquise, à mains nues et truffe humide.
À l’entrée du tunnel : rires étouffés, haleine givrée, et traces de croquettes de contrebande.
Le Comté, lui, reste introuvable. Seuls indices : une carte dessinée dans la neige avec une patte, un bonnet à pompon laissé sur une motoneige, et un biscuit en forme de loutre.
La brigade canine du pôle Nord est formelle : c’est encore un coup du Réseau Caninternational.
Et avec la neige qui fond… ils vont passer par le Canada.
Comme le veut une tradition établie par MAP (aujourd'hui décédée) en 2012, les sujets de juillet et août seront des photos.
Voici la première :
Rêve d’un molleton en canicule
J’ai rêvé cette nuit qu’un molleton me poursuivait.
Un énorme, doux, obstiné molleton.
Rose pâle, gonflé de silence, traînant derrière lui une odeur de linge tiède et d’hiver oublié.
Il avançait lentement, mais inlassablement, sur l’asphalte fondu.
Moi, pieds nus, dégoulinante, je courais dans la ville en feu.
Les fontaines avaient tari. Les climatiseurs avaient rendu l’âme.
Et lui, moelleux, gonflé d’amour ou d’angoisse, je ne savais pas,
me traquait, comme une promesse étouffante.
Je criais :
Laisse-moi respirer !
Je veux du lin, de l’ombre, du vent dans les draps ! »
Mais il ne répondait pas.
Il roulait, il ondulait, il transpirait presque…
Et chaque fois que je ralentissais, il me rattrapait, m’enveloppait un peu.
Une manche. Une doublure. Une pensée chaude autour du cou.
Alors je me suis réveillée, le dos trempé, les draps collés à la peau.
Et pendant quelques secondes, je l’ai senti là, dans la pièce :
un coin de couette trop chaud, un fantôme d’hiver, un chagrin doux.
La chaleur m’avait roulée dessus comme un camion de sable brûlant.
Je n’étais plus qu’une pensée liquide, glissant du lit jusqu’à la salle de bain.
J’ai ouvert l’eau froide, j’ai fermé les yeux.
Quelques secondes de grâce.
La canicule se taisait, le monde reprenait forme autour de moi.
Et puis —
la voix.Celle de ma mère, pétrie d’amour envahissant, surgie de l’Antarctique domestique :
« Tu veux le molleton en sortant de ta douche ? »
Le molleton.
Il m’a semblé que l’eau se réchauffait brutalement,
que le carrelage se moquait de moi,
que même le savon avait envie de fuir.
Le molleton !
Cette épaisseur d’hiver, cette chaleur non désirée,
ce fantôme d’enfance qui me rattrape à chaque sortie de bain.
J’ai crié, je crois.
Ou j’ai bégayé un « non merci » acide, entre les dents.
Mais je savais que quelque part, dans le placard du couloir,
il m’attendait.
Plié, prêt.
Avec son regard de tissu brossé et sa tendresse asphyxiante.
Le molleton est une étreinte qu’on ne choisit pas.
C’est un câlin imposé, une armure douce contre le vent...
même quand il fait 42 degrés à l’ombre.
Alors ? Ce Défi sur le molleton,
S’y colle-t-on ?
C’est que cela n’est pas coton
Par ces chaleurs que nous avons
D’aller filer des métaphores
En même temps qu’la lain’ de mouton !
C’est tentant de botter en touche,
De s’allonger sur le gazon,
D’y relire Franz Taffetas
Ou « Les Trois moustiquaires »
Voire de s’envoyer « Le Soulier de satin »
Plutôt que de broder
Sur Gabardine Martin,
Sur Richard Burlington,
Sur Popeline Carton
Ou sur Paul Desflanelles.
C’est vraiment très facile de chambray le patron :
Tranquille comme batiste
Il joue sur du velours
Rien ne l’interlocke
Et il rétorque à nos critiques
« Viscose toujours ! Tu m’intéresses !
Tous les mots que je propose
Sont tissus du dictionnaire » !
Soie ! C’est un fait
Mais batik comme nous sommes
Après l’avoir piqué (le somme)
Nous sommes aussi capables
De mettre les voiles
Vers le soleil
De laisser la cretonne aux Bretonnes,
Les crêpes dentelles
Aux danseuses de tarentelles,
Le sergé à Pontoise,
La mousseline aux Yvelines
Les robes Vichy aux folles à(l)lier
La toile de Jouy aux Josassiens
Le madras aux foulards
Et Jersey à son île
Peut-être aurions nous dû
Placer ici comme défausse
La chanson « Mademoiselle Angèle ? »
Soyons sérieux :
Rangeons le molleton
Dans la malle aux tissus
Pour l’hiver
Et terminons par un conseil :
Il se peut qu’au rugby
Dame Caroline Loeb
Et chante, victorieuse,
« De toutes les matières,
c’est la ouate qu’elle préfère »
Si le coton est hydrophile,
Si la canicule vous épate,
Ne jouez pas les imbéciles,
Ne jouez pas les hydropathes :
Buvez de l’eau, gazeuse ou plate !
En hiver, c'est un grand bonheur,
En été trop chaud, c'est un malheur.
C'est une étoffe de laine que l'on peut porter,
Qui sait donner de la chaleur,
J’en ai sur mon lit en absence de couette.
Sur mon gilet doux et chaud que je porte,
Chez moi, quand j'ai refermé en hiver, ma porte.
Molleton gris, molleton rouge,
En fait, il y en a de toutes les couleurs,
Pour accompagner rideaux et draperies,
Ils permettent de nous donner de la chaleur,
Auprès de la buche rouge,
Pour un temps partagé avec sa chérie.
Mais aujourd'hui, il fait si chaud.
Que mes petits pas ont la lenteur d'un slow
Tous mes molletons au placard, je les range.
Je suis tellement déshabillé que je dérange.
En fait, pas grand-chose, je porte,
De toute manière, au frais, j'ai refermé ma porte.
À penser à toi Molleton, je me perçois en enfer,
Je reviendrai te libérer de ton tiroir en hiver.