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samedi 1 février 2025

Insomnie (Vegas sur sarthe)

 


C'était toujours ainsi à chaque veille d'intronisation Félix ne dormait pas.

Demain il y aurait un banquet, un de plus, une réception en l'honneur des Chevaliers du Pignon Fixe, des pédaleurs assoiffés qu'il lui faudrait arroser au cassis-champagne avant d'être adoubés en grande pompe à vélo !

Crévindiou !

Chaque insomnie l'entraînait irrémédiablement à la cave où – coiffé de son bonnet de nuit et le nez chaussé d'une des nombreuses paires de lunettes qu'il abandonnait ça et là – il refaisait son inventaire.

Il est des régions de France où on peut tout à la fois être chanoine, maire d'une grande ville et amateur de bon vin sans défrayer la chronique.

Il se disait que sa mairie était le plus grand débit de boissons de la Ville mais il préférait ça à la sombre rumeur de pédophilie qui sourdait et qui éclaterait au grand jour un siècle plus tard.

Il en avait rincé des gosiers entre associations de tous poils, clubs sportifs, hommes politiques, vedettes sans compter cette jeunesse dont on voyait « rougir la trogne », qui roulait sous la table et confondait Saint Vincent tournante et partouze...

Du coup sa pile de champagne était encore descendue d'un bon mètre.

Etait-ce un effet divin ou bien la buée sur ses verres, il buta sur une caisse d'aligoté, écrasant à la fois son gros orteil et un juron où figurait le Bon Dieu.

Un éclair fulgurant illumina la voûte sombre au point qu'il tomba à genoux, serrant « religieusement » sa bouteille de crème de cassis de Dijon à 20 degrés.

La main divine guidait sa main aussi le premier bouchon d'aligoté sauta t-il joyeusement.

Un quart de cassis, trois quarts d'aligoté... non... trop acide pensa t-il en faisant claquer cette langue qu'il avait aussi souple que bien pendue.

N'avait-il pas répondu récemment à celui qui lui reprochait de croire en Dieu sans jamais l'avoir vu « Mon cul, tu l'as pas vu et pourtant il existe ! »

(Anecdote certifiée ou pas)


Un tiers de cassis, trois tiers d'aligoté... non... quatre tiers, c'était un sacrilège, un affront aux lois de la mathématique !

Un deuxième bouchon sauta, embuant un peu plus ses verres de lunettes.

Un tiers de cassis, deux tiers d'aligoté... Son « Nom de Dieu » résonna sous la voûte ancestrale.

Il tenait l'accord parfait, ni trop acide ni trop sucré, une potion qui allait ravir les palais les plus retors.

Il s'en resservit un verre avec les mêmes exactes proportions, pour être certain.

A quoi bon ratiociner en pleine Création ?

Le Tout Puissant avait-il autant joui en créant ses deux premiers bipèdes ?

Il tenait là le petit Jésus en culotte de velours, n'en déplaise au très Haut.

Demain à l'heure de l'intronisation, les amoureux de la petite reine chercheraient les bulles dans leur traditionnel blanc-cass ; il seraient les premiers à déguster son... comment l'appellerait-il ?

Kir... comme lui... un Kir


samedi 7 décembre 2024

Virage de bord (Vegas sur sarthe)

 


Il y a bien longtemps j'étais serial-loffeur
de ceux qui ont toujours une crampe à la barre;
je me sentais alors le plus beau des quillards,
sur la mer ou la fille, j'étais navigateur.

Sous le vent le grand voile, cherchant la jarretière
d'une belle Carène, Brigantine ou Génoise
j'en ai bordé des lits, détourné des rivières,
respiré des embruns, fait fumer des gauloises!

Mais Skipper le dauphin mûrit et prend de l'âge,
cramponné, ballotté, bouée de sauvetage,
le cœur à la dérive et déçu par l'Amure
il se sent un peu mou, comme un coup de bromure.

Sais-tu Navigateur, quand le cœur se gangrène
l'Ecoute se durcit, tu traînes ta Misaine
tu scrutes l'horizon, il n'y a plus que toi
et pour changer de Gîte il ne tient Cacatois.

Largueur ou bien largué, c'est vous qui (lou)voyez,
mais l'horizon est grand et, seul à la godille
se pose la question: des garçons ou des filles...
et vous voilà soudain troublé, embarrassé.

  Alors j'ai regardé ma cuti sans remords, 
  j'ai tiré le vieux phoque et j'ai viré de bord

   

samedi 12 octobre 2024

Calembours et bigoudis (Vegas sur sarthe)

   



La nuit je mens je m'engourdis
je m'enracine au matelas
tu m'entortilles et tu me dis
"Viens par ici" mais je suis las.

La nuit je mens je m'enlaidis
à te faire peur mais toi tu ris
tu m'encourages aux interdits
à toutes tes bizarreries.

La nuit je mens je m'endurcis
je suis glacé jusqu'aux orteils
tu m'ensorcelles et c'est pareil
je vis ma nuit en autarcie.

La nuit je mens je m'enrichis
je rêve aux millions du loto
tu m'enregistres, quel gâchis!
c'est toi le foutu numéro.

La nuit je mens je m'entrevois
dans ton regard à claire-voie
tu m'encanailles mais l'ennui
c'est mon défaut je mens la nuit.

Un jour viendra, je te le dis
nos nuits seront comme nos jours
tu quitteras tes bigoudis
et j'oublierai mes calembours.



samedi 22 juin 2024

La peau de l'ours (Vegas sur sarthe)

 


De toutes tes lubies et tes drôles d'idées
tu rêvais bêtement d'une peau d'ursidé,
brune, blanche, à lunettes... tu étais indécise
qu'elle soit des Balkans, d'Asie, de la banquise.

De mon oncle Léon j'empruntai la pétoire
qui loupait surement un boeuf dans un couloir,
jamais trop prévoyant pour chasser la carpette
je pris quelques kilos de poudre d'escopette.

J'arrivai bien trop tard au zoo de Vincennes
il ne restait qu'un lion, un gnou et quelques ânes
mais j'étais résolu, entêté, opiniâtre...

Quel besoin avais-tu de me faire une scène?
Que tu étais bourrue, mal léchée, acariâtre
quand tu as déchiffré ceci: Made in Taïwan


samedi 8 juin 2024

Le sparadrap pour les Nuls (Vegas sur sarthe)

   


Le sparadrap a été inventé par un dénommé Dézive et sa bande … la bande à Dézive.


Le sparadrap a été conçu pour éviter qu'on presse la compresse puisque qu'elle tient alors sans les doigts, mis à part les doigts qui tiennent au sparadrap.


Il a été conditionné en rouleau mais on peut préférer le pansement individuel pré-découpé ou à découper soi-même.

Si on se blesse en le découpant soi-même on maintient astucieusement le-dit pansement avec un sparadrap pré-découpé.


A la SNCF on l'utilise pour tenir les caténaires lorsqu'on doit perfuser une ligne à grande vitesse.


Lorsque le rouleau de sparadrap est enroulé à l'envers on l'appelle pardaraps ; pourtant il vaut le même nombre de points au scrabble.

Le Canada qui ne fait rien comme tout le monde l'appelle diachylon ; il gagne au scrabble grâce à son 'y'. 


De nos jours le sparadrap est hypoallergénique c'est à dire qu'il ne provoque pas d'allergie aux chevaux.


Il peut être transparent - ce qui le rend invisible - ou de couleur chair ce qui le rend invisible si votre chair est de la même couleur que lui.


On le trouve toujours dans la trousse de premiers secours à condition de retrouver la trousse de premiers secours.


Contrairement à ce que croient les enfants le sparadrap décoré de motifs animaliers est aussi douloureux à enlever que le sparadrap ordinaire mais il permet de pousser des cris de dinosaure ou d'éléphant selon le motif.  


Pour décoller un sparadrap on utilise un sèche-cheveux ; on appelle ça Faire chauffer la colle.

On peut aussi utiliser l'eau chaude même si l'inventeur du sparadrap ne l'a pas inventée.

Si on n'utilise rien on appelle ça un sparadrap permanent ; on a retrouvé des sparadraps permanents ayant servi à embaumer les momies dans certaines pyramides. Ces sparadraps ont servi également à panser les sept plaies d'Egypte.


Le sujet sur Le sparadrap pour les Nuls se termine ici ; je suis au bout du rouleau.


samedi 25 mai 2024

Richard Comment ? (Vegas sur sarthe)

 


A l'Agence des Talents du Samedi


« Que diriez-vous de Quotient ? Richard Quotient ça sonne bien, non ? »
« Euh... je ne suis pas très chaud »
« Vous n'êtes pas chaud ? Vous avez pourtant l'air un peu crâmé ces temps-ci »
« C'est parce que j'ai attrapé un coup d'soleil... un coup d'amour, un coup d'je t'aime, quoi »
« Faites moi confiance. Songez que c'est moi qui ai lancé Sylvie Vatan »
«Sylvie Vatan ? »
« Oui et voyez le résultat... elle est partie »
« C'est vrai... elle n'est pas là, et si je rêve tant pis »
« A votre avis c'est quoi le dénominateur commun entre Calozéro et Vanessa Pardi ? »
« Je sais pas... j'vis à l'envers, j'aime plus ma rue »
« Et bien pardi c'est moi leur dénominateur commun ; c'est moi qui les ai lancés »

« J’mets des photos dans mes chansons et des voiliers dans ma maison »
« Oui c'est bien ça mais y vous faut un nom. Richard ça suffit pas ; Richard ou Tony ça peut pas marcher »
« Pourtant Richard ou Tony il avait cartonné avec son train qui sifflait »
« Connais pas. C'est pas moi qui l'ai lancé celui-là »
« Et Richard Container et son gentil p'tit Youki ? Il a pas cartonné Richard Container ? »
« C'est l'exception qui confirme la règle. Il vous faut un vrai nom »

« En attendant j'vis à l'envers, j'aime plus ma rue... »
« Oui c'est pas mal ça et vous allez me dire aussi J'fais du bateau dans mon quartier, il fait très beau, on peut ramer »
« Waou ! Vous la connaissez ? »
« Bien sûr, c'est moi qui avais lancé ce... comment je l'avais appelé celui-là ? »
« Ben c'est moi ! »
« Ah oui ! Henri Salve d'Or »
« Mais non c'est moi ! Même que ça fait : J’avais cent ans, j’me r’connais plus ! »
« Cent ans c'est rien. Lui il chantait Nos ancêtres les gaulois... Nanana... souvenez-vous : Faut rigoler ! »
« Faut rigoler. Vous en avez de bonnes. Ça y est, c’est sûr, faut qu’j’me décide... J’vais faire le mur et j’tombe dans l’vide »
« Calmez vous. C'est pas si grave. On va dire Richard X pour commencer, et puis si jamais ça marche on avisera »

(Soupir)

« Richard Onavisera, c'est pas terrible non plus »



samedi 18 mai 2024

Bémol majeur (Vegas sur sarthe)

 


Au début je parlais peu.
Et ELLE encore moins, si ce n'étaient les “Oui et ensuite?” que sa bouche carmin susurrait sournoisement dans mon dos quand j'interrompais le grand déballage de mes lieux communs.
Oui et ensuite?”
Alors j'ai raconté Germaine et ses deux greffiers angora qui foutent du poil partout. J'ai raconté nos vacances d'été à Pornichet, l'appart de l'avenue du Littoral, le casino Partouche et puis la varicelle de notre neveu.
Oui et ensuite?”
Ensuite... il s'était gratté et on avait remplacé les bains de mer par des bains tièdes additionnés de farine d'avoine.
Allez trouver de la farine d'avoine à Pornichet en plein mois d'Août !

ELLE était dotée d'une patience infinie et de deux jambes interminables qui finissaient au bord d'une micro-jupe moulante, des jambes qu'elle croisait et décroisait avec un petit bruissement soyeux des plus pernicieux.
Pendant ce temps mon fauteuil durcissait comme moi, plus raide et plus inconfortable à mesure que je m'épanchais.
Oui et ensuite?”
Ensuite j'ai oublié la farine d'avoine pour raconter le bureau, l'informatisation du fichier central, la scannérisation du stock, les tickets restau et aussi cette improbable promotion obtenue dans la douleur et qu'on appelle familièrement promotion-canapé.
Pour l'heure le sien était fait d'un vieux cuir crevassé et malgré son aspect fatigué par tant de fondements qui s'y étaient abandonnés, j'étais sûr de gagner au change.
Mais je devais le mériter - c'est ce qu'ELLE m'avait fait comprendre - quand j'aurais abandonné sur son paillasson tout ce fatras qui constituait mon 'Moi conscient' et qui m'empêchait de lâcher prise.

Lâcher prise... c'est pourtant ce que j'avais fini par faire dans les bras musclés de mademoiselle Gagnepain - Chef du service informatique à la Conservation des Hypothèques - et je n'omis aucun détail des dispositions de l'article L.123-1 du Code du Travail même si les “Oui et ensuite?” avaient cessé et que ses jambes interminables ne bougeaient plus.
Bizarrement je n'avais pas honte de ce déballage, de cet indécent strip-tease que j'exécutais juste pour ELLE dans l'intimité de son cabinet.

Habiter deux étages au dessus de sa psychothérapeute peut présenter quelque avantage mais aussi des inconvénients car j'y venais maintenant chaque jour – sauf le samedi à cause du club de scrabble et des courses à Leclerc avec Germaine – et je constatai que je parlais moins du fait qu'ELLE parlait de plus en plus.
Certes j'étais phobique, névrosé, limite parano mais bien moins qu'ELLE.
J'aurais été tellement déçu de la savoir normale !
Je me surpris même une fois, à lui lancer un “Oui et ensuite?” qui ne l'offusqua aucunement.

Un jour où j'arrivai en retard je butai devant sa porte sur un foutoir qui s'avéra plus tard être son 'Moi conscient' à ELLE - c'est à dire son 'Soi conscient' - bref, je réalisai en la trouvant alanguie sur le canapé que j'étais enfin guéri.
Pour me conforter dans cette idée, je la gratifiai d'un “Je vous kiffe” qui acheva de la transformer.
ELLE commençait à renouer avec son statut d'enfant et s'abandonnait sans pudeur; c'est du moins ce qu'ELLE tenta de m'expliquer mais je ne l'écoutais plus. L'enfant qu'ELLE était redevenue gardait ses sublimes jambes et comme elle achevait de se débarrasser de tous ces oripeaux qui n'étaient pas ELLE, je la surpris nue et en fis tout autant.
N'allez pas croire tout ce qu'on dit à propos du passage à l'acte entre un psy et son patient, j'ai lu tant de choses sur les idylles de divan... et ce jour-là il ne se passa rien sinon qu'il ne me restait plus qu'à emménager chez Georges – elle s'appelait Georges – et c'est ce que j'ai fait.

D'autres que moi auraient fui mais Georges Sand n'était-elle pas d'abord une femme? Même s'il en doutât au début de leur relation Chopin pourrait en témoigner s'il était encore de ce monde.
Oui et ensuite” me direz-vous “que vient faire là, Chopin? Il serait interessant d'en parler”
Et bien, parlons-en.
Georges adore Chopin, ELLE en est folle et ne s'endort qu'avec la ritournelle de sa nocturne en mi bémol majeur flottant au dessus de notre lit rose.
Je fais preuve à mon tour d'une patience infinie car je sais bien que le jour viendra où ELLE cessera de m'appeler Papa.

 


samedi 11 mai 2024

White satin (Vegas sur sarthe)

   




Le balcon était haut, tabou et sculptural
sorti des années vingt, vintage, dépassé
les seins emprisonnés au bustier carcéral
cousu de mille strass aux senteurs opiacées.

La nuisette rétro respirait, spasmodique
au rythme palpitant d'un imminent orgasme
je le croyais du moins, priant Dieu qu'elle abdique
sans gaine de satin il n'est point de fantasme.

Elle était à la fois harnachée et offerte
au jeu des privautés j'ai perdu mille fois
espérant un aveu à sa bouche entr'ouverte.

Prévenant, j'en avais gardé sous la pédale
j'ai repris mon chemin, feutré, du bout des doigts
il y avait dans l'air un parfum de scandale...


samedi 4 mai 2024

Tenez bon (Vegas sur sarthe)

 


Très tôt je m'suis rendu compte que ça s'rait pas d'la tarte!
Même sans dents j'aurais préféré une tarte aux noyaux de cerises plutôt que ce morceau d'caoutchouc sensé épargner le téton maternel mais qui n'en avait ni le velouté, ni le goût et encore moins ce je ne sais quoi d'indéfinissable qui vous fait monter aux rideaux avant de descendre au fond d'la couche.
Si j'avais eu l'choix entre l'caoutchouc et une grosse mamelle de nourrice même moustachue j'aurais pas hésité une seconde.
De mal en pis et après des jours d'intense mastication - c'que j'appelle téter et s'entêter - j'me suis rendu à l'évidence: c'était pas comestible.

 

Si on m'avait demandé mon avis je serais né plus tard; j'aurais au moins connu le frisson du danger et cette ivresse de la tétine gazée à l'oxyde d'éthylène, cette même saloperie qui donna aux poilus d'la grande guerre ce fameux p'tit goût d'moutarde.
C'est fastoche de critiquer aujourd'hui le plastoc et le “bisphénol A” quand on n'a pas connu l'biberon en verre et découvert avec horreur que ces machins qu'on vient d'cramer en deux secondes c'étaient des doigts.

 

Tenir... il fallait tenir le biberon et tenir bon pour espérer un jour ressembler à sa frangine qu'on autorisait à s'enfourner toute seule - comme une grande - une cuillère de potage dans l'oreille.
Moi qui aspirais plus au repos que leur mélange dopé à la blédine, je trouvais que la barre était déjà haute pour mon âge.
Pourtant les grands prenaient un plaisir sadique à la monter plus haut à chaque progrès réalisé: d'abord la tétine monotrou, puis à deux trous, puis à trois trous - façon ocarina - et le fameux rototo obligatoire, celui qui cocote, qui arrose au large mais qui soulage tellement les adultes.

 

A cinq semaines - soit un nombre incalculable de rototos - constatant qu'on me foutrait jamais la paix je décidai de faire la gueule: les grands appelaient ça un sourire et jusqu'à ce jour je ne les ai jamais contredits.
Mis à part le faux sourire et le Areu que j'avais assimilé pour leur faire plaisir je m'exprimais maintenant en Grouic de cochon et sifflements de mainate que mon entourage interprétait à sa guise; de toute manière mon avis importait peu.
A l'échelle du chiard que j'étais, cinq semaines ça faisait déjà un bail, alors quand on m'a expliqué qu'j'm'assoirais dans six mois j'ai compris qu'y s'passerait du temps et des centaines de rototos avant d'avoir le plaisir indicible de tasser ma couche avec tout c'qu'y a dedans...

 

S'accrocher... y fallait s'accrocher si j'voulais un jour être grand comme les grands, avoir le même appareil dentaire que ma cousine Philomène, des poils roux comme Oncle Hubert et goûter au fameux boeuf-carottes de tante Marthe.
Mais s'accrocher, c'est facile à dire quand tout bouge autour de vous et qu'on vous a pas rancardé sur les règles.
Les grands appellent ça l'expérience.
Alors dans l'genre expérience j'me suis frotté au déambulateur de pépé, à mon ch'val à bascule et aux soutifs à armature de tante Marthe.
Les grands pensaient que j'souriais à chaque tentative mais moi j'sais bien que j'faisais la gueule.

 

Chez nous l'dimanche, les vieux sortaient les grands crûs et s'les descendaient sans même un regard pour celui qui biberonnait le picrate du père Guigoz.
Quand j'pense à tous les Ruchotte-Chambertin qui m'sont passés sous l'nez et que j'reverrai plus jamais, ça m'fout la glotte en capilotade.
Pour nous les chiards, le dimanche c'était la barboteuse bouffante avec les p'tits élastocs qui serrent les cuisses à vous couper l'sang... mais comme j'voudrais pas casser l'moral aux chiards qui viendront après moi, j'préfère arrêter ici les souvenirs cuisants.

J'leur souhaite bien du plaisir! Parait qu'maintenant les tétines sont en silicone et les seins aussi, d'ailleurs!
Alors j'ai qu'un mot à leur dire, à tous ceux qui décideraient d'poursuivre l'aventure dans ce monde implacable: “Tenébon”.

 

 


samedi 13 avril 2024

Kleptomanes (Vegas sur sarthe)

 
Dès l'âge de la maternelle
en pleine guerre des boutons
des parties de saute-mouton
je volais de mes propres ailes

Des encriers de porcelaine
aux bons points du premier de classe
sur les traces de Fantômas
je piquais tout, mes poches pleines

A trop effeuiller Marguerite
on me disait érotomane
quand je n'étais qu'un kleptomane
j'ai volé sa pipe à Magritte !

Marguerite n'en voulait pas
« Ce n'en est pas une » dit-elle
mais l'occasion était trop belle
quand je dérobai un Vespa

On a roulé jusqu'à Paname
califourchon et amazone
avant d'avoir franchi la zône
elle m'avait volé mon âme

samedi 23 mars 2024

Tous en ski (Vegas sur sarthe)

 



Si j'étais tombé sur un livre dont le titre eut été Anna Arcadievna, je ne l'aurais pas lu mais Anna Karénine ça en jette et puis ça me rappelait un truc dont j'avais entendu parler... le syndrome d'Anna Karénine.

C'est un syndrome qui fait que « Toutes les familles heureuses se ressemblent ; mais les familles malheureuses le sont chacune à leur façon »
J'en déduis que deux familles malheureuses qui se ressemblent sont donc heureuses mais sont-elles heureuses de se ressembler dans leur malheur ?
Il y a des syndromes qui donnent mal à la tête rien que d'en parler, celui-ci en est un.

E me tortore le premier chapitre et au fil de ma lecture je découvre qu'Anna Arcadievna épouse Alexis Karénine ; celà pourrait expliquer son nom mais bizarrement son frère s'appelle Oblonski et non pas Arcadievna et la femme de son frère – prénommée Daria mais qu'on appelle Dolly – s'appelle Oblonska née Stcherbatski bien que la belle-soeur d'Oblonski s'appelle Kitty Stcherbatska. C'est quoi cette embrouille ruskov ?
Comme si ça n'était pas assez compliqué comme ça, Anna prend un amant, Alexis Vronski qui porte le même prénom que son mari Alexis Karénine aussi l'auteur fait-il appel à leur second prénom pour éviter les boulettes dans les moments d'extase ; c'est ainsi que le mari se prénomme Alexis Alexandrovitch alors que l'amant se prénomme Alexis Kirillovitch ce qui n'a rien à voir mise à part la fin en ovitch... mais dans les moments d'extase on prononce rarement la fin.
Fort heureusement le valet de Stépane – frère d'Anna – se prénomme Mathieu ! Ouf, il était temps... je retrouve mes marques, mes marque-pages.
Si je n'ai pas mis de 's' à marque c'est parce que je ne mets qu'une marque par page et que je déplace de page en page pour économiser les marque-pages et éviter la fastidieuse corvée de les numéroter ce qui serait idiot puisque les pages le sont déjà, du moins sur cette édition à douze euros.
Je découvre aussi que depuis la parution en 1856 de « La tempête de neige », Tolstoï a donné des noms qui finissent en ski à divers personnages pour faciliter leurs déplacements d'hiver.
A propos de déplacements, à la fin du roman, Anna prend le train mais en pleine poitrine, du coup c'est la fin du roman, faute d'héroïne vivante.
Je venais de trouver mon héroïne et la voilà ratatinée.
Pour douze euros – soit neuf cent onze roubles – on peut penser que la fin est un peu bâclée mais il ne faut pas oublier que Tolstoï s'apprête à se farcir les 4 tomes de Guerre et Paix avec d'autres mecs en ski, les Bolkonski, aussi peut-on lui pardonner cette fin abrupte.
(Me pardonnerez-vous la mienne ?)

 

samedi 16 mars 2024

Gospel au Palais (Vegas sur sarthe)

 

Cette belle journée de juillet était prometteuse ; je flânais sur l'île de la Cité dans le sillage des jupes d'été de quelques belles oisives quand un brouhaha incongru parvint à détourner mon regard aimanté vers les marches du Palais de Justice.
Des énergumènes en robes noires ornées de slogans entonnaient ce que j'identifiai comme la Marseillaise.
Au quatrième couplet – Tremblez, tyrans et vous perfides –  je m'approchai des braillards et je leur suggérai l'incontournable Oh Happy Day, un chant que j'affectionne mais qui n'était visiblement pas dans leurs cordes … vocales.
« On n'est pas un groupe de Gospel » me cria un grand escogriffe au visage rubicond (en un seul mot) et il ajouta « On est des greffiers » en montrant du doigt le slogan placardé sur sa poitrine.

« Pardonnez-moi » dis-je au rubicond « vous êtes peut-être des greffiers mais vous n'êtes pas en polaire »
Le groupe avait cessé de chanter – ce qui était une bonne chose en soi – et scandait « Justice en colère. Révisez nos salaires ».
Je compris ma bévue d'autant plus qu'une tenue polaire en plein mois de juillet eut été mal seillante pour ne pas dire provocante.

La dernière fois que j'avais vu un greffier en colère remontait à l'époque où j'avais voulu changer la marque de croquettes de Nelson … mon chat.
Certains énergumènes mécontents de leur nouvelle grille des salaires s'y étaient cramponnés, tentant de l'escalader malgré l'intervention d'une brigade de queufs.
« Vous réclamez quoi au juste ? » m'enquis-je auprès d'une greffière échevelée.
« On veut une audience à la Chancellerie » me répondit-elle.
Je lui fis remarquer que la chancellerie ne chancellerait pas si facilement.

Elle semblait déterminée et me lança tel un défi « Tout n'est pas perdu »
« Comme la salle ? » répondis-je, fier de ce bon mot.
« Quel Lassalle ? Jean Lassalle ? » aboya t-elle en agitant sa chevelure flamboyante comme l'étendard sanglant de l'hymne qu'ils venaient de massacrer.
« La salle des pas perdus » bredouillai-je, déçu que ma vanne soit tombée à l'eau, bien qu'une vanne soit destinée à tomber à l'eau un jour ou l'autre.
Elle fronça les sourcils qu'elle avait permanents et charnellement bien dessinés, fit un effort pour digérer le jeu de mots avant d'éclater d'un rire cristallin … j'étais sous le charme.
Je venais de me réconcilier avec ces « gens-là », des fonctionnaires à qui je n'avais rien à reprocher mais que j'avais toujours snobés sans trop savoir pourquoi.
« Tu te joins à nous ? » quémanda t-elle en se pendant à mon bras.
Elle avait la même teinte de cheveux que la fiancée québécoise de son ministre mais je me gardai bien de lui faire remarquer cette malencontreuse coïncidence.J'eus préféré un tête-à-tête mais je l'accompagnai jusqu'à la grille controversée qu'on entreprit d'escalader.
Elle grimpait si bien malgré sa longue robe que j'eus comme un étourdissement.


Je retrouvai mes esprits tandis que la voiture de police – sirène bloquée – qui nous convoyait promptement vers le commissariat du 1er traversa le pont Royal, ce même pont qu'emprunta le cortège funèbre de Voltaire mais pour l'heure je m'en foutais … royalement.
Si on m'avait dit qu'un jour une jolie fille rousse et fonctionnaire me caresserait le cuir chevelu d'une main manucurée, j'aurais crié au fou !
La matraque des forces de l'ordre m'avait fait pousser un œuf de pigeon du plus bel effet.
Serrés sur un banc on attendait maintenant le bon vouloir d'un certain commissaire divisionnaire.
Ledit visionnaire qui possédait un strabisme prononcé et un humour à deux balles nous colla un rappel à la loi avant de nous foutre sur le trottoir.
On entendait au loin péter des grenades et une fumée noire montait sur l'île dans le ciel d'un bleu éclatant de juillet.
«C'est quoi ton p'tit nom ? » ai-je demandé à ma rousse flamboyante.
On ne s'était même pas présentés.
« Claire » répondit-elle. Ça lui allait bien.
« Et toi ? » ajouta t-elle.
J'ai dit « Juste » sans savoir pourquoi
« Leblanc ? » a t-elle ajouté avec ce même rire cristallin qui m'avait conquis.
On était sur la même longueur d'onde.
Elle a dit « T'en as encore beaucoup des comme ça ? »
« J'en ai plein ma chambre » osé-je.
Ça a eu l'air de lui convenir

samedi 2 mars 2024

Le maillot angora (Vegas sur sarthe)

 


Ce matin, chargé d'une mission comme qui dirait imprévue je débarque chez mon voisin Bernard .

« Dis donc Bernard, t'as toujours ton taille-haie ? »

« Ouais mais t'avais arraché ta haie l'an passé, alors t'en as pas besoin »

« Euh... moi non mais c'est Germaine qui m'a d'mandé de te d'mander »

« Germaine ? Quoi qu' cest donc qu'elle veut tailler ? »

Je passe une main dans ma barbe hirsute : »Elle a trop honte depuis quelques semaines »

« Elle a honte de quoi, si c'est pas indiscret ? »


Je repasse une main dans ma barbe hirsute : « C'est pas facile à expliquer. J'sais pas si c'est le changement de régime alimentaire ou la ménopause mais ça c'est mis à pousser dru qu'on dirait les ronciers du père Martenot »

« Quels ronciers du père Martenot ? »

« Tu t'rappelles pas qu'ils avaient tellement poussé au bord de son étang des Prunelles qu'il avait dû s'équiper d'un gros engin pour défoncer tout ça ! »

« Et alors, Germaine en est rendue là ? »

Je soupire : »Tu verrais l'tableau, mon pauv' Bernard »

« Quel tableau ? »

« Et ben, t'as déjà vu l'Origine du monde ... »

«Quelle origine du monde ? Tu dérailles ou t'as forcé sur la gnole ce matin ? »

Je n'ai pas le temps ni l'envie d'initier Bernard à la peinture réaliste : »Oublie Gustave Courbet, Bernard... alors tu m'le prêtes ton taille-haie ? »


« Okay mais fais gaffe, c'est du japonais ces engins-là et même si les nipons sont imberbes, c'est les champions du débroussaillage »

« On f'ra gaffe Bernard, on s'y mettra à quat' mains avec Germaine »

« C'est si touffu que ça ? »

« Si j'te dis que maintenant je distingue pas la tête de la queue »

Bernard s'étouffe (s'étouffe en un seul mot).

« La queue ? Dis-moi pas que Germaine est devenue Germain ? T'aurais pas fait ça, hein, mon salopard !»

Je m'étouffe à mon tour : »Tu n'y est pas Bernard. Je parle de Minette »

« C'est qui celle-là ? »

« C'est la chatte de Germaine, l'angora... celle qui chie dans tes plate-bandes et que tu vires à coups de rateau »

« Ah ! Tu m'as foutu les jetons, j'ai cru que t'avais viré ta cuti»

« Tu n'imagines pas Bernard comme l'angora c'est un drôle de turc »

« Tu veux dire un drôle de truc »

« Non, un drôle de turc. Même que ça remonterait aux Zottomans »

«J'me suis toujours méfié des turcs moi aussi, à commencer par leur café »


Bernard est un méfiant, ça fait même cinquante ans qu'il est méfiant, comme qui dirait un suspicieux, un ombrageux.

« Germaine dit que c'est l'seul chat qui utilise sa longue queue touffue pour exprimer sa joie, ses émotions, enfin tu vois... c'est du Germaine »

Bernard me lance un clin d'oeil : « Si ça c'est pas un appel du pied ...»

« Tu crois, Bernard ? On n'a pas l'esprit à la bagatelle, en attendant y va falloir tailler Minette»

Bernard cogite tout haut : «Et l'épilation ça s'rait pas moins dangereux que mon taille-haie ? »

« Figure toi qu'on s'était renseignés chez Yves Rocher »

« Rocher ? Le jeune carrier de l'entreprise de terrassement ? »

« T'es nul Bernard. J'parle de celui qui fait les maillots »

« C'est pas bête ça un maillot. Ça peut cacher le touffu, enfin tant qu'ça dépasse pas »

« Laisse tomber, Bernard. Ça coûtait un bras et en plus y font pas le maillot angora »

« Bon, alors prends mon Makita mais j'te le redis... fais gaffe aux oreilles ! »


« T'inquiète Bernard. Si c'est à cause du bruit j'mettrai un casque »

Bernard me regarde, incrédule.

J'ai l'impression par moment qu'on ne se comprend pas.



samedi 24 février 2024

Dissection (Vegas sur sarthe)

 


« Voilà. Vous savez tout Docteur. Alors voyez-vous de quoi il s'agit ? »
Le docteur transpirait abondamment ; il fixait un point sur le mur derrière moi et dit « Je crains de devoir ouvrir »
« Euh. Ouvrir ? C'est grave à ce point ? »
Il renifla « Vous ne sentez pas déjà l'odeur ? »
Je reniflai à mon tour « Quelle odeur ? »
« C'est normal » dit-il «les gens finissent par s'habituer mais le mal progresse et si on ne fait rien ... »
Je me résignai «Ouvrir oui, mais de quelle manière? »
« Voyez-vous j'ai un confrère qui se contente d'entrouvrir mais ça ne sert à rien. Moi j'ouvre en grand afin d'y voir clair »
Je transpirais à mon tour « Et il faudrait faire ça quand ? »
« Maintenant … je vais le faire sans tarder »
Je tentai de gagner du temps « C'est que Germaine attend dans la voiture »
Il sourit «C'est l'affaire de dix minutes. Pensez-vous qu'elle aura le courage d'attendre dix minutes ? »
« Oui, Docteur mais normalement il y a une liste d'attente»
« Pourquoi attendre ? » s'étonna t-il « vous voulez aggraver la situation ? »
Je ne voulais rien aggraver du tout.
Comme il se levait de son fauteuil je cherchai sur le fouillis du bureau quelque scalpel, quelques écarteurs ou un de ces instruments de torture qui vous fait fuir à toutes jambes.

Le docteur alla droit vers la fenêtre et l'ouvrit en grand puis se tourna vers moi avec un soupir d'aise « Voilà. Il était grand temps d'aérer »
J'étais pâle comme un cadavre et je crois avoir entendu le bruit de ma chute en tombant.

 

Défi #894

   Vous nous ferez ça en un éclair !     Tonnerre