Kate ; Joe Krapov ; Walrus ;
Du côté de Marcel
Quelle recherche ?
Celle du temps d'avant ?
Du moment présent ?
Du mot qu'on cherche ?
Des titres mélangés ?
Partons à Bruxelles
Avec Jacques Brel
(
J'aurais presque des regrets de vous avoir entraînés dans cette galère (surtout après les yoles).
Le problème avec les dictionnaires, c'est qu'il n'ont pas la place pour approfondir les choses, sinon ils seraient tous épais comme celui de l'Académie, lequel ne risque pas de vous éclairer sur "zwanze". Bon, le brave Robert a fait un effort en limitant le phénomène à Bruxelles mais il y a un petit quelque chose en plus.
Bruxelles est une ville essentiellement peuplée d'immigrés (moi, par exemple, je viens de Wallonie). Bien sûr, avec le temps, il y a quand même soixante ans que j'y habite, on finit par se faire à la chose. La chose, c'est le comportement des vrais (et rares) autochtones. Mais au début, ça inquiète parce la zwanze ici, ce n'est pas une blague, c'est une philosophie ! La zwanze, c'est la vie. Faut avoir rencontré ces joyeux drilles qui ne peuvent rien prendre au sérieux, ceux qui organisent l' Ommegang, le plantage du meiboom, le concours du plus beau chauve ou de la plus belle moustache, celui du pire zinneke (chien bâtard), parlent un sabir étrange et sautent dans la même phrase du français au flamand (locales les deux versions de ces langues évidemment). Ici, il faut que tout finisse en rigolade ou en gentille moquerie.
Allez, un petit exemple vécu :
Devant moi dans la file à la caisse deux compères dans le style double-patte et patachon blaguent (dans le sabir évoqué ci-dessus) pour tuer le temps. Devant eux, un gaillard en sortant un mouchoir de sa poche fait tomber un minuscule canif. Vous comme moi le ramasserions et le lui rendrions en disant quelque chose comme "C'est tombé de votre poche". Double-patte lui aussi le ramasse mais il frappe sur l'épaule du mec et s'écrie " 'tention, peï, t'as perdu ton poignard !"
Vous avez compris ?
Si les trois premiers vers sont de Bernard Dimey le quatrième est une plaisanterie, une zwanze d'un non-Bruxellois.
Mais qu'est-ce que ça veut dire, maintenant que nous vivons dans le village mondial, un gentilé comme "Bruxellois" ? Qu'il n'y a plus d'universel ? Qu'il y a un humour juif new-yorkais, des cafougnettes ch'ties, des Pagnolades provençales, des zwanzes ? Que le nombril du monde est à Pougne-Hérisson, en Vendée ? Que nous sommes condamnés à agir ou réagir localement face aux horreurs de ce monde ? Ce n'est plus l'Homme qui rit ? C’est un imbécile heureux qui est né quelque part ?
Je connais trop peu la Belgique pour savoir ce que représente réellement ce concept de zwanze mais j'imagine très bien que la présence constante du Manneken-Pis dans la capitale des institutions européennes relève certainement de cet esprit, de cette vision des choses ou attitude-là.
Eh bien sortons-en, non sans évoquer une autre chanson de Jacques Brel, "Les Bourgeois" ! Car ils ont grandi, Quick et Flupke ! Si le premier est devenu célèbre avec sa chaîne de magasins où l'on vend des burgers, le deuxième semble s’être perdu dans l'anonymat des adultes qui font leurs petites affaires avec leur petite auto. En fait pas du tout ! Le deuxième « crapuleux de ma strotje » continue de jouer les plaisantins mais, maintenant, dans le domaine de la littérature. Il est devenu écrivain et s'est fait connaître sous le nom de Julio Cortazar.
Je vous livre son mode d'emploi :
A sa façon, ce livre est plusieurs livres mais en particulier deux livres. Le lecteur est invité à choisir entre les deux possibilités suivantes :
Le premier livre se lit comme se lisent les livres d’habitude et il finit au chapitre 56, là où trois jolies petites étoiles équivalent au mot « fin ». Après quoi le lecteur peut laisser tomber sans remords ce qui suit.
Le deuxième livre se lit en commençant au chapitre 73 et en continuant la lecture dans l’ordre indiqué à la fin de chaque chapitre. En cas d’incertitude ou d’oubli, il suffira de consulter la liste ci-dessous.
Je suis admiratif de cette plaisanterie structurelle ou structuraliste. J’ai quand même un regret. La prose de Julio Pfluke est très poétique, très mystérieuse, envoûtante même, mais à part le chapitre 23 où le personnage principal raccompagne chez elle une Castafiore de banlieue tout le reste du bouquin est assez intello et, parfois, horriblement chiant !