En l’an 354 après J.-C., au sommet de sa forteresse battue par les vents, le très honorable Sire de Langlois fut soudainement pris d’une démence aussi spectaculaire qu’inattendue.
Convaincu que l’horloge solaire gravée au mur annonçait l’arrivée des extraterrestres (qu’il appelait alors « les esprits du fromage »), il ordonna à ses soldats de se coiffer de poêles à frire en guise de casques et de se préparer à l’invasion.
Pendant trois jours et trois nuits, il harangua les corbeaux, qu’il prenait pour ses ambassadeurs diplomatiques. On rapporte même qu’il signa un traité de paix avec une poule égarée dans la basse-cour, lui promettant terres et rentes en échange d’œufs en or.
À la fin, son peuple, fatigué mais amusé, décida de proclamer officiellement la « Semaine de la Folie Joyeuse », tradition locale au cours de laquelle chaque habitant devait imiter le Sire en hurlant des proclamations absurdes du haut des remparts.
C’est ainsi qu’à Langlois, on entend encore aujourd’hui résonner chaque année ce cri ancestral :
« Vive les poules ambassadrices !
À Venise, ce soir de bal et de brumes
Illustrissimo Poeta,
Je vous écris d’une main tremblante, la plume glissant sur ce vélin comme une gondole qui hésite entre les canaux. Nous nous sommes croisés hier, au détour d’un grand salon éclairé de cent bougies, et pourtant vos yeux m’ont paru plus sombres que les lagunes la nuit.
Sur un mur discret de la cité, j’ai lu ces mots : “Sono solo e triste.” Était-ce vous, ou l’écho d’une âme sœur que je n’ai pas encore reconnue ? Depuis, ils résonnent en moi comme un chant d’orgue esseulé dans une église déserte.
Venise étincelle de miroirs et de masques, mais que sont les fêtes quand le cœur se sait déserté ? J’aimerais vous dire qu’aucune solitude n’est définitive, qu’un mot confié à l’encre peut devenir un pont de lumière entre deux rives.
Recevez ces lignes comme une chandelle glissée dans votre nuit.
Si votre tristesse demeure, je vous invite à la confier à la mer — elle sait tout recueillir, et dans le ressac elle vous rendra un souffle neuf.
Attendant votre réponse avec ferveur,
Je demeure,
Votre dévouée admiratrice dans l’ombre des palais
Il fut un temps où la mer et la terre ne faisaient qu’un.
Où les hommes vivaient au bord du souffle des géants.
Les cachalots, ces colosses suspendus entre deux mondes,
dormaient debout, dressés dans l’océan comme des cierges vivants,
la tête tournée vers les étoiles,
le dos vibrant d’échos anciens.
On ne pouvait les atteindre qu’à cet instant sacré —
lorsqu’ils devenaient silence.
Alors les chasseurs du néolithique plongeaient.
Mais ceux qui tuaient ne criaient pas victoire.
Ils dressaient une pierre.
Haute, verticale, immobile.
Comme pour réparer le geste.
Chaque menhir planté dans la terre serait, dit-on,
un cachalot tombé du ciel d’eau.
Un tombeau de géant.
Une stèle de mémoire pour ceux qui savaient encore écouter.
Aujourd’hui encore, certains enfants posent l’oreille contre les menhirs,
espérant entendre, dans le frémissement de la pierre,
le chant sourd des profondeurs.
Sont tombés du ciel (Version dystopique – enfants génétiquement parachutés)
Le nouveau programme s’appelait Drop & Grow.
Les enfants, conçus en laboratoire, étaient parachutés dans des zones à repeupler.
L’État garantissait un pack de départ : un kit d’éducation, deux robots nourriciers, une mission.
Personne ne s’en souvient, mais la première génération fut larguée un 12 mars.
Il pleuvait.
Aujourd’hui, ils ont grandi.
Et ils veulent savoir qui les a lâchés.
Et surtout : pourquoi.
Le verre est taillé, mais nos formes sont pleines. Qui est le plus fragile
Elles sont là, solidaires, soudées, assises côte à côte comme trois reines d’un royaume oublié.
Elles n’ont que faire des magazines, des défilés de Paris, ou des injonctions à rentrer le ventre.
Elles trinquent à la vie, aux plaisirs simples, aux fesses qui débordent et aux robes qui serrent.
Leurs corps sont des fenêtres pleines de couleurs.
Des éclats de verre qui captent la lumière.
Elles rient fort. Et quand elles rient, elles font trembler les vitres des normes étroites.
Alors j’hésite quoi développer ?
Lettre à une balance : Règlement de comptes d’une femme qui a décidé d’en finir avec les chiffres du matin.
Dialogue sur un banc : Trois amies se racontent leurs pires souvenirs d’essayages de maillots de bain.
Manifeste corporel : « Je suis ronde et j’avance. » Une déclaration d’amour à soi-même en dix lignes.
Mode d’emploi : Comment occuper une chaise longue sans s’excuser de faire de l’ombre aux autres.
: Que s’est-il passé juste avant ? que vont-elles faire ensuite ? (Une chasse au trésor, une révolution culinaire, une révolte contre le port du legging ?)
Ce soir, les bourrelets se mettent sur leur trente-et-un. »