samedi 1 février 2025

LES CICATRICES DU DEVOIR (Marie Sylvie)

   

Le mot, ce verbe ratiociner,  me rappelle l'époque où j'enseignais dans un lycée de Le Mans. Mes élèves m'accusaient souvent de trop argumenter, confondant mes explications détaillées avec celles destinées à des élèves de CP.
Mais n'était-ce pas mon rôle de les instruire soigneusement pour bâtir leur avenir ?
L'enseignement théorique est une chose, la mise en pratique en est une autre.
Il paraît bien plus facile d'analyser des situations sur le terrain plutôt que depuis son pupitre. 
Je discutais longuement avec mes élèves pour m'assurer que chacun d'entre eux avait bien assimilé mes explications. 

Un jour, je me suis adressée à une élève encore une fois en retard pour tenter de la raisonner.
Mon avenir était tracé mais le sien dépendait de ses actes d'aujourd'hui. 
Soudain, elle a sorti son cutter et, avec une violence incroyable, elle a commencé à me taillader les avant-bras.
À ses yeux, rien n'était acquis et il fallait continuellement se battre pour conserver ce que l'on possédait. 

Un agent d'entretien est intervenu. 
L'élève a été exclue mais ma responsable n'a pas voulu que je porte plainte par soucis de réputation. 
Ce qu'elle ignorait c'est que je n'aurais pas déposé une plainte, ne voulant pas troubler encore plus l'avenir de cette élève mais j'aurais sollicité qu'elle se fasse aider .
L'ironie sombre et poignante  de ce témoignage réside dans le fait que le lycée était situé entre le commissariat principal et le groupement de gendarmerie. 
Je garde mes cicatrices encore visibles aujourd'hui comme un rappel :
Je voulais forger des destinées et non pas blesser la mienne. 

À présent, lorsque je regarde ces cicatrices, je ne peux m'empêcher de ratiociner sur ce qui aurait pu être fait autrement. 
Je me questionne sur les décisions prises, sur les paroles prononcées et sur les actions qui auraient pu changer le cours des événements.
Mais malgré tout, je sais que chaque choix, chaque réflexion, chaque tentative de comprendre et d'aider, faisait partie de mon devoir d'enseignante. 
C'est cette quête incessante de sens et de compréhension, ce besoin de rechercher à analyser, argumenter et  réfléchir , qui m'a guidée tout au long de ma carrière. 


4 commentaires:

  1. Bravo pour le sens du devoir mais "les autres" sont quand même sacrément doués pour vous faire vivre "l'enfer" !

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    1. Merci beaucoup pour votre soutien et votre compréhension.
      C'est vrai que parfois les " autres " peuvent nous compliquer la tâche mais la solidarité entre collègues aide toujours à alléger le fardeau.

      Amicalement, Marie Sylvie

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  2. Drôle de langage le cutter, on avait négligé de lui apprendre le français dans sa jeunesse d'enfant-roi ?

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    1. Ah, le cutter, ce grand incompris !
      Peut-être qu'avec quelques cours de français il aurait su exprimer ses intentions autrement.
      Heureusement, cette histoire appartient au passé, tout comme les caprices de cet enfant-roi.

      Amicalement, Marie Sylvie

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