J'aurais presque des regrets de vous avoir entraînés dans cette galère (surtout après les yoles).
Le problème avec les dictionnaires, c'est qu'il n'ont pas la place pour approfondir les choses, sinon ils seraient tous épais comme celui de l'Académie, lequel ne risque pas de vous éclairer sur "zwanze". Bon, le brave Robert a fait un effort en limitant le phénomène à Bruxelles mais il y a un petit quelque chose en plus.
Bruxelles est une ville essentiellement peuplée d'immigrés (moi, par exemple, je viens de Wallonie). Bien sûr, avec le temps, il y a quand même soixante ans que j'y habite, on finit par se faire à la chose. La chose, c'est le comportement des vrais (et rares) autochtones. Mais au début, ça inquiète parce la zwanze ici, ce n'est pas une blague, c'est une philosophie ! La zwanze, c'est la vie. Faut avoir rencontré ces joyeux drilles qui ne peuvent rien prendre au sérieux, ceux qui organisent l' Ommegang, le plantage du meiboom, le concours du plus beau chauve ou de la plus belle moustache, celui du pire zinneke (chien bâtard), parlent un sabir étrange et sautent dans la même phrase du français au flamand (locales les deux versions de ces langues évidemment). Ici, il faut que tout finisse en rigolade ou en gentille moquerie.
Allez, un petit exemple vécu :
Devant moi dans la file à la caisse deux compères dans le style double-patte et patachon blaguent (dans le sabir évoqué ci-dessus) pour tuer le temps. Devant eux, un gaillard en sortant un mouchoir de sa poche fait tomber un minuscule canif. Vous comme moi le ramasserions et le lui rendrions en disant quelque chose comme "C'est tombé de votre poche". Double-patte lui aussi le ramasse mais il frappe sur l'épaule du mec et s'écrie " 'tention, peï, t'as perdu ton poignard !"
Vous avez compris ?
Quel humour et quel culot d'oser un tel humour ! Le mot "peï", totalement inconnu chez nous, est savoureux et je l'ai tellement entendu qu'à la lecture il résonne avec l'accent bruxellois, inimitable !
RépondreSupprimerEn fait, le langage bruxellois original est une espèce de flamand local. Avec l'invasion des francophones (fonctionnaires etc... et je parle pas de Napoléon) les autochtones ont dû le meubler de mots français pour se faire comprendre tout en gardant un brin d'authenticité. Nous avons ici un théâtre de marionnettes (poechenelles ) : "Chez Toone (Antoine)" on y joue des pièces en bruxellois et d'Artagnan crie "Stijck in a beurse !" ( pique dans tes bourses) en embrochant Rochefort, mais la majorité du texte est en français. Il produit rarement des pièces originales auxquelles je ne comprends que quelques mots : je ne suis pas né dans les Marolles).
SupprimerEn fait si on creuse, on s'aperçoit que si pei est aujourd'hui assimilé un peu au mec français, en fait à l'origine un pei, c'est un vieux mec et la vieillesse "peieraa"; pour les femmes, c'est mei et meieraa.
Ce qu'il y a à comprendre c'est que les bruxellois sont de vrais poètes !
RépondreSupprimerTiens, ça me rappelle qu'au cours d'une interview, Juliette Gréco avait déclaré (ses parents en avaient côtoyé beaucoup) "Les scientifiques sont souvent de grands poêtes", nous ne sommes donc pas les seuls ! :-)
Supprimerchouette mise au point, merci :-)
RépondreSupprimerMais je t'en prie, c'est toujours avec plaisir ! ;-)
SupprimerEnfant, que je parlais wallon, on me trouvait grossière. Cela me rend frileuse face à la langue dont je ne maitrise pas les nuances. Par exemple si je termine par un « salut en de kost », n'est-ce pas un peu déplacé?
RépondreSupprimerabsolument pas : j'ajouterai "en de wind van achter !"
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