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samedi 9 août 2025

Ont salué le menhir

 

  

 François ; Ghislaine ; Walrus ; Marie Sylvie ;

Kate ; TOKYO ; Yvanne ; Joe Krapov ;

 

Je roule pour vous ! (Joe Krapov)

 


Resituons les choses :

A. L’oncle Walrus a une fille. Celle-ci a eu l’idée sotte et grenue d’épouser un natif de Bretagne et de le suivre ou rejoindre sur la côte de granit rose, à Trévou-Tréguignec, près de la plage de Trestel, mais ne soyons pas trop précis car l’IA profiterait de notre science et moi je suis comme Michel Audiard qui disait «Je ne parle pas aux cons, ça les instruit».

B. Le témoin de mariage de Joe Krapov et Marina Bourgeoizovna se prénomme Anita et habite à Lannion dans une rue au nom imprononçable pour qui n’est pas un Bretonnant ou une Bretonnante (je mets des majuscules pour ne fâcher personne et surtout pas les Nantais·e·s).

Tant qu’à faire de visiter la famille et les amies dans les Côtes d'Armor, l’oncle et le neveu en profitent pour randonner, marcher, aller voir toutes les ressources touristiques du coin qui n’est pas un des plus moches endroits du monde.

Posons le postulat : on ne voit pas tous les mêmes choses.


Par exemple, ce menhir. En quarante ans de fréquentation des trésors du Trégor, à raison de deux ou trois séjours dans l'année, nous avons bien dû aller faire vingt fois le tour de l’Île grande, tout à côté, et donc être passés devant sans que je me souvienne de l’avoir photographié une seule fois !

Ce n’est pas grave, mon oncle Walrus roule pour moi et il nous fait cadeau cette semaine de cette photo compromettante : ce n’est certes pas Obélix qui a gravé ce symbole cruciforme en haut du bloc de pierre mais de braves croyants du XVIIe siècle qui ont cru bon de taguer-détourner-récupérer ce monument païen au profit d’une secte qui a plutôt bien réussi.

L’oncle Walrus roule pour nous ! Pierre-André Bourgeoizov aussi ! Lui c’est le grand-père paternel de mon épouse et il a fait la même photo entre 1935 et 1940. On y voit même, si on agrandit un peu, la représentation peinte de la passion du Christ. C’est fou de penser que le gamin en culottes courtes et polo blanc a aujourd'hui 97 ans !


L’air de rien, quelles que soient nos religions, on fait tous, sans même y penser, œuvre de partage communiste de nos souvenirs de voyage.

Petr Petrovitch Bourgeoizov, fils du précédent, est allé plusieurs fois à Venise. Sans vouloir critiquer, il n’a ramené que trois photos moches de l’île de Burano où j’ai, personnellement, amassé des tonnes de clichés de ce que je considérais être le plus bel endroit du monde.


Par contre lui est monté en haut du campanile de la place Saint-Marc et a donc ramené de magnifiques vues quasi-aériennes de Venise que je partagerai bientôt sur mon blog.

Moi qui me suis déplacé de cinq cents kilomètres cet été, que pourrais-je vous offrir cette semaine qui vous fasse penser que j’ai roulé pour vous ?

Tiens, restons dans cette ambiance très « peace and love » avec cette sculpture sur bois des bords du lac de Vassivière !


J’y ajouterai juste le tigre qui monte la garde dans le hameau de « Sauvazons la Plazanet » !





Cledat (Yvanne)

  

 

  

 L'image proposée par Walrus cette semaine m'amène à vous parler

d'un village insolite de Corrèze, blotti dans un chaos rocheux où les croix surmontant les rochers, moins impressionnants que celui-ci certes mais tout aussi authentiques, ne manquent pas.


Clédat



J'ai découvert le village de Clédat tout à fait par hasard un dimanche d'octobre dans les années 80.


Nous étions partis pour une chasse aux cèpes dans les forêts du massif des Monédières en lisière du plateau de Millevaches. En longeant la bordure d'une piste forestière, soudain m'est révélée comme dans un songe une clairière parsemée de multiples roches et de murailles. Je me suis approchée. Pas un bruit. Seul le souffle léger du vent berçait doucement la masse des sapins qui entouraient les lieux. J'ai su alors que devant moi se dévoilait Clédat. Je n'ai été qu'à demi surprise ayant déjà entendu parler de son existence par des amateurs de vieilles pierres dont je suis.


J'ai pénétré dans le village en ruines. Il y régnait une atmosphère surprenante de solitude bienveillante. J'ai compris que Clédat m'accueillait favorablement et j'en ai ressenti une joie étrange. Pas d'envoûtement non mais une sensation de plénitude bienfaitrice.


Une petite chapelle romane se tenait à l'orée. Bien qu'à moitié démolie, sa cloche encore suspendue semblait veiller sur le site.

Sur un rocher devant la porte était plantée une croix aux jolies formes. Des chaumières et des granges éventrées, sans toit, émergeaient parmi des gros blocs de pierre arrondis par des milliers d'années d'érosion. La Nature avait envahi et recouvert de ronces et de mousse les bâtiments effondrés, les chariots en bois et les vieux outils abandonnés dans les charrières.


Je me suis promenée tranquillement dans le village plongé dans un silence invitant à la méditation. J'imaginais les vies minuscules de ses habitants contraints de l'abandonner leur étant impossible de se confronter à la modernité ambiante. Pas de routes. Pas de commodités. Seules des voies caillouteuses et étroites permettaient de rejoindre les hameaux voisins. Les gens vivaient dans une autarcie presque permanente.


Les prés et les champs, désormais inutiles, arrachés jadis laborieusement à la bruyère et à la lande par le travail acharné des hommes laissaient désormais la place à des forêts de conifères. Elles encerclaient l'endroit désert sans toutefois l'étouffer complètement. Clédat respirait encore, même tombé dans l'oubli. Quelques feuillus centenaires, plantés ça et là dans le village faisaient encore la nique aux résineux qui se voulaient envahissants.


Point trop de mystère ici pour moi, même si la Nature sauvage avait repris ses droits. Clédat m'était apparu comme un village assoupi, au repos et non complètement éteint. En me penchant sur sa fontaine, j'ai senti que son cœur était là, caché dans cette source qui avait alimenté de son eau vivifiante les villageois. Et j'en étais heureuse. Je savais que Clédat allait émerger un jour de son long sommeil. Je ne m'étais pas trompée. La suite de sa belle histoire datant du 12ème siècle m'a donné raison.

 


 

Les menhirs-cachalots (TOKYO)

   

 


Il fut un temps où la mer et la terre ne faisaient qu’un.

Où les hommes vivaient au bord du souffle des géants.

 

Les cachalots, ces colosses suspendus entre deux mondes,

dormaient debout, dressés dans l’océan comme des cierges vivants,

la tête tournée vers les étoiles,

le dos vibrant d’échos anciens.

 

On ne pouvait les atteindre qu’à cet instant sacré —

lorsqu’ils devenaient silence.

 

Alors les chasseurs du néolithique plongeaient.

Mais ceux qui tuaient ne criaient pas victoire.

Ils dressaient une pierre.

Haute, verticale, immobile.

Comme pour réparer le geste.

 

Chaque menhir planté dans la terre serait, dit-on,

un cachalot tombé du ciel d’eau.

Un tombeau de géant.

Une stèle de mémoire pour ceux qui savaient encore écouter.

 

Aujourd’hui encore, certains enfants posent l’oreille contre les menhirs,

espérant entendre, dans le frémissement de la pierre,

le chant sourd des profondeurs.


Bible hic (Kate)

  

Plein la vue !
On n'est pas déçu :
de préhistorique
à biblique !
Ce menhir
du fond des âges
a dû venir
s'inscrire dans le paysage
tel un immense roi
devenu affirmation de foi
catholique
car c'est la Bible hic
(= ici) affichée
un peu style BD
qui dit la passion
du Christ illustrée
par vingt-sept arma christi
(cf Wiki)
Les Bretons
ont christianisé
cette pierre
originaire
de l'île de Canton

Une simple photo
de la cathédrale du Puy

quelques mots
sur du papier vieilli
d'autres pistes
sur la passion du Christ
que le menhir
de Saint Uzec
pour finir...
 

  

 

 

Mémoire courte (Walrus)

   

Voilà-t-y pas que depuis l'accession des alignements de Carnac au grade de Patrimoine Mondial de l'Unesco, les Bretons se mutent en fervents défenseurs d'icelui (le patrimoine) et nous conseillent de ne pas grimper sur les menhirs et autres dolmens, de ne pas nous y appuyer ni même d'y poser la main : c'est tellement fragile le granit breton !

Ça me fait sourire (j'oserais pas trop m'esclaffer, on ne sait jamais : les Bretons ont la tête près du bonnet). Au dix-septième siècle, poussés dans le dos par quelques "Soldats de Jésus" en croisade, ils ont "christianisé" leurs menhirs à grand renfort de sculptures, de peintures et de greffons christiques.

En vérité je vous le dis : ils ont la mémoire courte ces braves Bretons ! 

  

LE MENHIR ET LES REGARDS ABSENTS (Marie Sylvie)

 



     Lorsque j'ai vu cette photographie, je n'y ai pas vu qu'un monument historique. Le Menhir m'a parlé d'indifférence, celle gravée dans la pierre, celle que j'ai connu enfant. 

J'ai choisi de répondre à ce défi non par une simple description, mais comme une métaphore intime. 

Ce texte est un morceau de moi, une résonnance entre ce Menhir figé dans son silence sacré et les adultes pétrifiés dans leur regard, alors que gamine, je peinais dans un champ de carottes sous leurs yeux sans secours. Ce Menhir, classé et protégé, m'a rappelé à quel point on sait préserver les pierres ... mais rarement les enfants blessés.

Je vous invite à lire ce texte comme un cri feutré, un miroir que j'ai tendu à cette photographie pour y projeter ce que l' Histoire oublie parfois de dire : Que l'indifférence, elle n'est pas que dans les monuments. Elle est dans les silences complices .....



 Je suis une enfant que l'on n'a pas vue. 
Un Dimanche, je binais, le dos courbé sur un champ de carottes qui n'en finissait pas. Le soleil s'étirait sur l'asphalte, les voitures passaient, des visages défilaient derrière les vitres, tous braqués sur moi ... mais aucun ne s'est arrêté. Pas même l'estafette bleue marine, pleine de regard figés. J'avais 10 ans à peine. Et eux, ils avaient des yeux ... mais pas de cœur. 

Je suis cette silhouette absurde dans un décor de grand, une scène théâtale d'un scandale muet où l'indifférence joue le rôle principal. Chaque pas de motte que je retournais semblait dire : Regardez-moi. Mais ils ne l'ont pas fait. Ils ont préféré le silence, la fuite dans la normalité comme si la souffrance enfantine ne méritait ni le frisson ni le cri.

Je suis la voix que le Menhir ne pourra jamais avoir. 
Un monument figé, classé, protégé. Intouchable. Lui, on le couvre de respect, on le borde de pancartes et de barrières. Moi, on m'a laissée nue dans l'oubli. Je ne lui en veux pas au Menhir, cette statue regardée comme noble ou sacré, que je vois, moi, comme un témoin muet, symbole d'un monde qui regarde sans agir, cette statue de pierre froide comme l'indifférence des adultes. Non, je ne lui en veux pas au Menhir, ce n'est pas lui qui a décidé.  Je lui en veux à l'espèce humaine, à ceux qui savent trop bien faire la part des choses....lorsque ces choses sont de pierre, pas de chair.

Je suis la mémoire vive d'une société trop froide. 
Je suis l'enfant et la femme, celle qui voit encore des enfants subir ... en silence, dans l'ombre, à l'abri des journaux et des lois. Et pourtant, je ne suis pas en colère. Je suis le regard qui éclaire, la parole qui dérange, la tendresse lucide. Je suis ce refus de laisser ce monde continuer à détourner les yeux. 



 

Les damnés du Menhir (Ghislaine)

   

Dans les brumes d'une région ancienne, un menhir colossal, sculpté d’une mystérieuse roche, se dresse comme le dernier témoin d’un vestige oublié. On raconte que toujours à minuit, l’ombre d’un moine damné apparaît au pied de la pierre, implorant le pardon que les dieux lui refusent depuis des lustres. On dit que quiconque ose poser sa main sur la croix ressent et entend le murmure des âmes liées à jamais à la roche.

On dit aussi qu’un soir d’orage, une femme du village, Marianne, au cœur consumé par la passion d’un amour interdit, alla jusqu’au vieux menhir, qu'envahie par le remords, elle posa sa main  sur la pierre, demandant en priant, le pardon que son mari jamais ne lui donnerait.

À l’instant où ses doigts effleurèrent le granit froid, le ciel hurla. Le vent souffla tel un ouragan, et la croix au sommet émit un bruit ancestral de fer. Le sol vibra doucement, puis plus rien. Marianne disparut sans laisser de trace. On ne la revit jamais au village

Depuis, les villageois murmurent qu’à chaque nuit d’orage, une silhouette féminine erre entre les arbres, gémissant dans le vent, condamnée à revivre sa trahison devant l’éternité de la pierre.

Comment oser aller seulement caresser ce menhir sans que des millions de damnés ne disparaissent ? 


 

LE MENHIR DE SAINT UZEC (François)

   

LE MENHIR DE SAINT UZEC

 

 

Le menhir de saint Uzec est là,

Près de la chapelle qui porte son nom,

Non loin du village de Perven au fond d’un vallon.

 

Depuis le néolithique il est posé là.

Dans la commune de Pleumeur-Bodou,

Tourné vers l’île grande.

 

C’est une masse de quatre-vingts tonnes,

De sept mètres de haut en un seul bout,

Où les touristes avec plaisir se rendent.

Parce qu’il a une particularité qui étonne.

 

Au dix-septième siècle, il fut christianisé,

Par l’ecclésiastique qui lui a donné son nom,

Ce qui lui donne une valeur exceptionnelle.

 

Surplombé d’une croix et gravé,

Son côté mystique interpelle,

En Bretagne, il est d’un grand renom.

 

Le temps a effacé bien de ses marques,

Jadis peint en polychromie,

Il ne reste plus de trace que l’on remarque.

 

Devant lui le voyageur frémit.

 

Sous quel angle ont-ils vu la question ?

       Nana Fafo ; Ghislaine ; Marie Sylvie ;