Rêve d’un molleton en canicule
J’ai rêvé cette nuit qu’un molleton me poursuivait.
Un énorme, doux, obstiné molleton.
Rose pâle, gonflé de silence, traînant derrière lui une odeur de linge tiède et d’hiver oublié.
Il avançait lentement, mais inlassablement, sur l’asphalte fondu.
Moi, pieds nus, dégoulinante, je courais dans la ville en feu.
Les fontaines avaient tari. Les climatiseurs avaient rendu l’âme.
Et lui, moelleux, gonflé d’amour ou d’angoisse, je ne savais pas,
me traquait, comme une promesse étouffante.
Je criais :
Laisse-moi respirer !
Je veux du lin, de l’ombre, du vent dans les draps ! »
Mais il ne répondait pas.
Il roulait, il ondulait, il transpirait presque…
Et chaque fois que je ralentissais, il me rattrapait, m’enveloppait un peu.
Une manche. Une doublure. Une pensée chaude autour du cou.
Alors je me suis réveillée, le dos trempé, les draps collés à la peau.
Et pendant quelques secondes, je l’ai senti là, dans la pièce :
un coin de couette trop chaud, un fantôme d’hiver, un chagrin doux.
La chaleur m’avait roulée dessus comme un camion de sable brûlant.
Je n’étais plus qu’une pensée liquide, glissant du lit jusqu’à la salle de bain.
J’ai ouvert l’eau froide, j’ai fermé les yeux.
Quelques secondes de grâce.
La canicule se taisait, le monde reprenait forme autour de moi.
Et puis —
la voix.Celle de ma mère, pétrie d’amour envahissant, surgie de l’Antarctique domestique :
« Tu veux le molleton en sortant de ta douche ? »
Le molleton.
Il m’a semblé que l’eau se réchauffait brutalement,
que le carrelage se moquait de moi,
que même le savon avait envie de fuir.
Le molleton !
Cette épaisseur d’hiver, cette chaleur non désirée,
ce fantôme d’enfance qui me rattrape à chaque sortie de bain.
J’ai crié, je crois.
Ou j’ai bégayé un « non merci » acide, entre les dents.
Mais je savais que quelque part, dans le placard du couloir,
il m’attendait.
Plié, prêt.
Avec son regard de tissu brossé et sa tendresse asphyxiante.
Le molleton est une étreinte qu’on ne choisit pas.
C’est un câlin imposé, une armure douce contre le vent...
même quand il fait 42 degrés à l’ombre.
Sous des allures de douceur et de chaleur, ce molleton est parfaitement inquiétant et obsédant ! Allô, docteur, cette chaleur me rend dingue, vous avez une place pour demain ?
RépondreSupprimerLe moins qu'on puisse dire, c'est que tu n'es pas molle dans le ton ! :-)
RépondreSupprimerFaire de la poésie - inquiétante un peu quand même mais cet étau qui se resserre oblige -avec le mot "molleton" j'admire !
RépondreSupprimerFantastique ! Objets inanimés pourvus d'une âme, prêts à nous entourer voire à nous étouffer ! Du coup, bizarrement, malgré la canicule, on tremble !
RépondreSupprimer