samedi 5 juillet 2025

Pacifier la situation. (Yvanne)

 


  • Paulo, il faut qu'on s'occupe de Louis.

  • Qu'est ce que tu racontes. Tu es tombé sur la tête ? Moi ? M'occuper de Louis après toute la misère qu'il m'a mise ? T'es malade !

  • Écoute Paulo. On n'est pas blancs comme neige toi et moi. On a des torts. Alors il faut passer l'éponge. Je vais aller le voir cet après midi à la maison de retraite.

  • Hein ? Tu vas voir Louis ? Il est fou...Tu es fou.

  • Oui, je vais voir Louis et lui parler. J'ai fait une découverte chez lui ce matin qui m'a chamboulé.

  • Tu es revenu dans sa chaumière ? Et les loirs ? Cette saloperie. Tu les as virés ?

  • Pas besoin. Ils étaient partis. Mais ce n'est pas important. Il faut que je te dise : j'ai fait une découverte. J'ai trouvé une boîte derrière le lit de Louis. Une boîte contenant des lettres.

  • Ah ! Des lettres d'amour ?

  • Arrête un peu. J'en ai ma claque de ces conneries. Et c'est loin d'être des lettres d'amour comme tu dis. Si mon père était encore là, je te jure qu'on se prendrait des belles engueulades. Tu ne le sais peut être pas mais mon père et Louis étaient copains.

  • Je ne vois pas ce que ça change. Tu les as lues ces lettres ? Et puis je m'en fous d'ailleurs. Je ne veux plus entendre parler de Louis. C'est bon. Depuis qu'il est parti je suis tranquille. Fais ce que tu veux. Basta.


Jacky n'est pas vraiment étonné. Paulo est un brave type mais il a la rancune tenace. Et puis, après tout, c'est une affaire entre Louis et lui. Il remonte dans son vieux 4x4 et se dirige vers la maison de retraite de la commune. C'est une petite structure où tous les résidents se connaissent et il paraît que Louis s'est très bien habitué à sa nouvelle vie. C'est quand même un peu surprenant venant de lui mais après tout bénéficier d'un certain confort à son âge le satisfait sans doute.


Jacky pénètre dans le hall. Cette odeur de soupe, de désinfectant. De vieux. Jamais il ne s'y fera. Il préfère crever avant. Des souvenirs remontent. Quand il était gamin il venait là voir sa grand-mère qu'il aimait beaucoup. S'il avait pu en ce temps là lui éviter cette déchéance, mourir ici, il l'aurait fait . Car pour lui, terminer son existence dans ce genre d'endroit relève de l'indignité. Mais la brave femme ne se plaignait jamais. C'était sa fierté de n'embêter personne de sa famille avec son handicap : elle n'avait plus l'usage de ses jambes.


Jacky s'enquière du numéro de chambre de Louis à l'accueil et résolument s'avance vers la porte 6. Elle n'est pas complètement fermée. Jacky aperçoit dans l’entrebâillement le vieil homme assis dans son fauteuil. Il s'étonne des changements opérés sur son voisin en quelques mois. Méconnaissable. Il a tellement changé. Il a grossi. Lui, le sauvage, le célibataire qui se fichait comme d'une guigne de son aspect physique est propre comme un sou neuf et bien peigné. Il est vêtu d'un bas de jogging gris en tissu épais, lainage ou molleton et d'une chemise à carreaux bleus. Il semble dormir, la bouche ouverte, les mains croisées sur sa poitrine.


Jacky hésite un peu, craignant de réveiller Louis puis il se dit qu'il ne va pas repartir maintenant. Louis aura tout son temps pour faire la sieste ensuite.

Il frappe légèrement. Aussitôt un « entrez » ferme l'invite à franchir le seuil.

  • Bonjour Louis.

  • Bonjour Jacky.

Les deux hommes se regardent. L'un affiche un petit sourire bienveillant tandis que l'autre, un peu honteux, s'avance timidement. Louis se lève et prend Jacky dans ses bras.

- Je savais que tu viendrais mon garçon. Je t'attendais.




1 commentaire:

  1. Un film ! Les personnages sont là, bien campés et l'atmosphère aussi... Tu nous emmènes dans leur univers, Yvanne !

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