
Cambridge : le coup d’œil professionnel du Corpus Christi College montre son bâtiment ressemblant à un château sur un terrain herbeux clair sous un ciel bleu ensoleillé.

Oxford : vue non moins professionnelle du clocher carré de Magdalen College prise sans doute de la fameuse bibliothèque.

Après une explication en annexe sur les universités anglaises*. Après un petit couplet sur deux séries Morse et Barnaby … et sur leurs suites actuelles. Un peu loupées. Dont l’une ne décolle pas d’Oxford curieusement*. J’ai souhaité vous en donner ici un dernier petit épisode :
Le Crime n’aura pas lieu à l’Université d’Oxford
Le brouillard montait sur le clocher carré de Magdalen College,
effaçant peu à peu les gargouilles et les tourrelles gothiques. Oxford
s’éveillait dans sa solennelle torpeur. Lewis, emmitouflé dans un
manteau trop lourd, songeait qu’il aurait mieux fait d’être garagiste à
Newcastle.
Il ressera encore son manteau : il détestait Oxford, cette ville où tout
le monde faisait semblant de penser plus vite que lui. Il vit bien ce
banc, taché de tabac brun, entouré de traces de pas dans la boue, la
routine.
À côté de lui, Hathaway avançait comme une flèche, l’air songeur et supérieur.
– « Un corps dans la bibliothèque, inspecteur-chef, » annonça Hathaway.
– « Toujours dans la bibliothèque. Ils n’ont pas de fantaisie, ces
assassins diplômés. En même temps, ils passent leurs soirées à jouer au
Cluedo. »
Le corps du professeur de logique Chambers gisait entre La République de Platon et Le Capital de Marx. Une mise en scène si universitaire qu’elle frisait la parodie. Tout autour, des étudiants en toge feignaient l’émotion, sous leurs visages pâles de séminaire d’hiver.
Lewis observa :
– « Le savoir rend donc coupable maintenant ? »
– « Il l’a toujours été, inspecteur » répondit Hathaway. « L’université n’a jamais su distinguer la vérité de la vanité. »
– « Inspecteur-chef … Hathaway … inspecteur-chef … »
– « Oui, chef ! »
C’est alors qu’une voix claire et vive interrompit la dissection verbale.
– « Inspecteur Lewis ? Scully Barnaby, fille de l’inspecteur Tom, ( Oh pas du cousin, John, non, pitié … par pitié ! NDLR) en stage au département de criminologie. Mon père vous a mentionné dans ses carnets. »
Une jeune femme, manteau rouge, carnet à la main, regard droit, lui tendit la main. Lewis eut un léger recul : les fils de ses collègues morts avaient le don de réveiller ses vieux fantômes.
– « Inspecteur Lewis ? Je vous ai vu aussi dans un documentaire. Vous avez connu mon père ? »
– « Connu, oui. Lui au moins résolvait des affaires avant la pause pub. »
Elle sourit : « Il disait toujours que les crimes des campagnes étaient plus nets que ceux des cerveaux. »
Dans le bureau du défunt professeur, ils découvrirent des lettres adressées à un mystérieux cercle : The Fellowship of Pure Reason.
Hathaway lut à haute voix : Le savoir n’est qu’un crime qui s’ignore.
– « On dirait un slogan de secte universitaire, » lança Lewis.
– « Ou une thèse de doctorat, ce qui revient au même. »
Le soir, dans le cloître, Scully observa les étudiants défiler, leurs robes noires flottant comme des ombres.
– « C’est étrange, dit-elle. L’université se croit un sanctuaire du
savoir, mais tout ici respire la peur : celle d’avoir tort. »
Hathaway acquiesça.
– « Oxford vit de son prestige passé. L’intelligence ici est une liturgie. »
Ils examinèrent le banc, les traces de pas. La routine, et
découvrirent bientôt que le professeur avait volé les recherches de son
étudiante, promise à un brillant avenir. Une humiliation publique,
suivie d’une nuit d’orage, d’une chute dans les escaliers. Accident ?
Vengeance ?
Lewis, fatigué, conclut :
– « Comme toujours. Le meurtre d’Oxford n’est pas un crime passionnel.
Avec cette étudiante, c’est juste un désaccord intellectuel qui aura mal
tourné. »
Le soir, sous la pluie, Oxford reprennait son apparence de carte
postale gothique. Scully Barnaby marchait à côté de James Hathaway, le
long du cloître.
– « James, vous n’avez jamais songé à enseigner ? » demanda-t-elle.
– « Enseigner quoi ? À douter ? J’ai déjà trop d’élèves involontaires. »
Elle rit, un peu triste.
– « Vous parlez comme un homme qui a tout fait, tout vu. »
– « J’ai tout vu, » murmura-t-il. « Sauf ce que je devrais encore sentir. »
Le vent fit vaciller les lampes à gaz. La brume descendit comme un
rideau. Les vieilles pierres s’estompaient tout autour. Seul Scully lui
parut encore réelle. Pas si sûr. Alors, il frolla sa joue. Elle se
retourna, lèvres entrouvertes pour une réplique, mais Hathaway
l’embrassa doucement, sans prévenir, comme on ferme un livre trop lu.
Puis il s’écarta.
– « Pardonnez-moi. Oxford a ses rituels. Le brouillard rend les vivants téméraires. »
Elle toucha ses lèvres brûlantes, étonnée.
– « L’université vous survivra, inspecteur. »
– « Je l’espère bien. Quelqu’un doit bien continuer à faire semblant de comprendre le monde. »
Alors, elle dit doucement :
– « Vous savez, mon père vous aurait apprécié. »
Il répondit, presque absent :
– « Votre père voyait clair dans les villages, les bois et dans les champs. Moi je me perds dans cette satanée brume. »
Un silence. Et puis, car sans raison logique, il l’avait embrassée : pas par désir, mais parce qu’il en a eu assez d’être le témoin permanent des drames des autres. Un geste hors scénario, un acte humain dans un monde d’ombres universitaires.
Au matin, la cloche de Magdalen sonna. Un autre jour d’érudition,
d’oubli et de cérémonies recommençait. Lewis, de retour sur les lieux,
regarda le banc où ils s’étaient tenus la veille. Un mégot écrasé, une
trace de pas dans la boue, la routine. La routine.
Il soupira :
– « Un corps dans la bibliothèque… comme toujours … tant qu’il restera
des gens pour mourir proprement entre deux citations latines. »
Et le brouillard, patient, referma Oxford sur son secret. Quelque part une cloche sonnait. Voilà, le couvert est remis. L’université comme personnage principal, la boucle fermée, la brume pour rideau et un baiser qui déjà n’appartient plus à personne.

A foggy night in Oxford | Simply Oxford photoblog
* Les universités anglaises comme Oxford ou Cambridge sont nées au Moyen Âge dans des villes à l’écart du pouvoir et du tumulte, des lieux conçus pour l’étude et la prière autant que pour l’ordre social. Ces collèges clos, aux murs anciens, servaient à protéger le savoir comme un trésor fragile. La pierre, les cloîtres, les pelouses – tout devait inspirer la discipline, la continuité, la hiérarchie.
Aujourd’hui encore, ces décors perpétuent une idée très britannique de l’université : un monde à part, à la fois refuge et théâtre, où l’on vient apprendre, briller, ou simplement jouer son rôle dans une tradition qui se met elle-même en scène. Cambridge et Oxford ne sont pas seulement des lieux d’enseignement : ce sont des paysages de l’esprit, entretenus comme des musées vivants du prestige intellectuel.
Voici donc leurs classements :
1 Oxford University
2 Cambridge University
3 University of St Andrews
4 Imperial College London
5 Loughborough University aux bâtiments modernes
* « Dans la réalité, l’acteur qui incarnait Hathaway a quitté les bibliothèques d’Oxford pour le tumulte médiatique : en novembre 2022, Laurence Fox a animé un créneau hebdomadaire sur GB News. Comme si le disciple de Morse s’était lassé du doute pour préférer le micro en polémiques. »
————-
* Inspecteur Lewis à Oxford, éternel décor de mystères bien peignés. Des crimes sans sang, des professeurs trop érudits pour être innocents, et des pelouses tondues comme des consciences universitaires. C’est un fantasme britannique en boucle : la raison affrontant la passion dans un cadre d’ordre et de thé.
Pourquoi ça se passe toujours à l’université ? Parce que c’est un lieu où le vernis craque joliment. Derrière la culture, les crimes paraissent plus élégants. Une tasse de poison dans la bibliothèque, un meurtre à la logique impeccable : ça rassure. Oxford, c’est l’idée qu’on peut être coupable avec style.
Et pourquoi les gens regardent Inspecteur Lewis ? Pour les mêmes raisons qu’ils écoutent un remix d’une chanson qu’ils aimaient vraiment : la nostalgie, plus confortable que l’inconnu. Lewis n’a pas le drame intérieur de Morse, pas la musique ni la mélancolie – mais il prolonge la promenade. Il permet de ne pas quitter ce monde de briques rouges et de secrets en tweed.
Quant à son second, Hathaway, plus charismatique, évidemment : il incarne l’intelligence blessée que Lewis, brave et terne, ne comprend qu’à moitié. Un reste d’âme dans un spin-off devenu mécanique.
En somme : les gens regardent Lewis comme on regarde un reflet tiède : parce que le vrai feu, Morse, est déjà mort.
* Et aussi, ah oui, le neveu de Barnaby. D’un point de vue purement symbolique, c’est le coup de maître du simulacre : même nom, même accent, même pull-over, mais l’âme a pris sa retraite avec l’oncle.
Quand John Barnaby remplace Tom Barnaby, on ne change rien : le décor reste figé, les vieux manoirs, les clubs de tir à l’arc, les chorales meurtrières… Le neveu perpétue l’illusion d’une continuité. Ce n’est plus une série, c’est une taxidermie narrative.
Pourquoi ce remplacement ? Parce que la série Midsomer Murders est devenue une institution, une petite Angleterre imaginaire où le temps ne passe pas. Changer le héros sans tuer le mythe, c’est leur façon d’entretenir le spectacle : on repeint la façade, on garde le même fond sonore.
Bref : le neveu, c’est la forme pure du post-Morse, post-Barnaby, post-tout. Un hologramme de constable pour que les spectateurs puissent se dire, tasse de thé à la main : « Tout va bien, le crime reste entre nous. »

quelle tristesse de mourir pour des théories ... Je ne peux m'empêcher à chaque fois que j'entends le mot Hathaway de penser à la reprise loufoque de Jim Carrey d'Haddaway (une autre manière d'approcher la vie étudiante) https://www.youtube.com/watch?v=HwVh8pmOot4
RépondreSupprimerC'est vrai que le neveu Barnaby, ça faisait vraiment "resucée", comme on dit au journal !
RépondreSupprimerExcellente analyse ! Je regrette un peu qu'on n'y voie pas paraître les "porters" en chapeau melon chers aux colleges anglais... ;-)
RépondreSupprimerAmbiance très bien restituée et conforme à cette Angleterre de tradition qu’on a à l’esprit et qu’on a vu, en réel et en fiction ! Fin connaisseur des séries, Cavalier ! J’ai découvert Jonh Barnaby (le seul, le vrai) pendant le confinement et j’ai adoré, notamment ces querelles claniques quasi ancestrales entre villages voisins faisant écho au titre "Midsomer murders"... Et Scully, la fille oui mais Tom, le cousin, non !
RépondreSupprimerBelle plongée dans les traditions anglaises. On s'y serait cru, ne serait-ce que grâce à ces images de smog !
RépondreSupprimerCe qui m'a fait le plus rire c'est cette phrase dans la deuxième partie : "Bref : le neveu, c’est la forme pure du post-Morse"
Qu'en pense l'oncle Walrus ? ;-)
Que ça va pas être la joie pour toi quand on m'aura chanté "Ashes to ashes, dust to dust", cher neveu ! :-)
SupprimerY’a de la joie :
RépondreSupprimer- ... .... . ... / - --- / .- ... .... . ... --..-- / -.. ..- ... - / - --- / -.. ..- ... - / -.-.-. / .- ... .... . ... / - --- / .- ... .... . ... --..-- / -.. ..- ... - / - --- / -.. ..- ... - / -.-.-. / .- .. -. ... .. / ... --- .. - -....- .. .-.. / -.-.--
;)
Oui, Amen ! (J'ai été scout il y a très très longtemps)
SupprimerUn grand bravo pour cet épisode policier dans la plus pure tradition anglaise !
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