Rubens
aurait-il pu peindre ce tableau ?
Non.
Il préférait les nus.
Mais
il aurait aimé ces chairs pulpeuses.
Dans
ce cadre s'épanouissent les trois Grâces,
Un
verre de vin rouge ou blanc à la main.
Normal
pour des filles de Bacchus !
Ce
sont les déesses de la beauté.
Normal
pour des filles de Vénus !
Qui
est Thalie , personnifiant l'abondance ?
Celle
qui porte une robe écarlate sans doute,
La
plus dodue, la plus opulente.
Qui
est Aglaë la brillante, la lumineuse ?
Celle
dont la chevelure rousse flamboie,
Vêtue
aux couleurs du ciel et de l'océan.
Qui
est Euphrosyne l'espiègle, la joyeuse ?
Celle
que le rire fait ployer mollement.
Au
zénith de l'élégance en toilette rose poudré.
Peintres
et sculpteurs ont célébrés les Charites
En
leur donnant des silhouettes harmonieuses.
Nicky
de Saint Phalle a cassé les stéréotypes
En
osant les Nanas, créatures voluptueuses
Colorées,
fantasques et décomplexées.
Un
hommage à la femme libre de tout carcan.
Je
me suis autorisée à voir dans ce vitrail
Tout
simplement un clin d'œil à la féminité.
Sous
toutes ses formes.
Humour
C’est là le souvenir
De trois petites femmes,
Qui loin de dépérir,
Ont oublié d’être diaphanes.
La cage d’ascenseur,
Vient comprimer leur pulpeuse chair,
La surcharge les guette, quel malheur,
Peu solides sont les parois de verre.
L’anecdote a été peinte,
Façon vitrail sur le mur,
Avec une ferveur empreinte,
Pour vous faire sourire à coup sûr.
Les trois grâces* jeu de mot avec une orthographe respectueuse
"Le coeur bien au chaud
les yeux dans la bière..."
chez le gros Adrien et ses parents
avec la Marie-Jo
et avec Marie-Pierre
vous alliez boire vos vingt ans
Marie-Jo se prenait pour Cher
et Marie-Pierre pour Rihanna
et toi qui étais la plus fière
tu te prenais pour toi...
Mais c'est un cauchemar
j'en ai marre !
Qu'est-ce qui me prend de chanter
surtout un air aussi peu gai
et d'inventer tout ça ?
Pourquoi a-t-elle accroché
ce tableautin dans les W-C ?
Qu'y a-t-il de frais
De léger, d'enjoué
dans ces trois dames
- fortes femmes !-
qui l'enflamme ?
Moi ça me navre...
L'endroit était-il sans âme
n'était-il pas déjà un havre
neutre et parfait ?
Trop perturbé
embourbé dans le passé
et l'ambiance avinée des cafés
que j'ai toujours détestée
n'en pouvant plus
je t'ai demandé
d'où venait ce tableautin.
Tu m'as répondu
les yeux émerveillés :
- Il n'est pas teint,
il est peint !
Je l'ai acheté chez Aurélien...
J'ai fait : "Hein ?
Au Mont Dore ?
Ta réponse : "Oui j'adore !"
Et j'ai pensé
moi j'abhorre
ce genre de décor
ces verres colorés
ce genre de sujet.
J'ai pensé à ton corps
que tu soignais au Mont Dore
à au mien
qui ne te disait plus rien...
J'ai décroché le tableautin :
"Tiens, emporte-le !"
-Mais où, Jean-François ?
- Où tu veux
mais pars de chez moi !
- Tu me fous dehors ?
- Repars au Mont Dore
avec ton tableautin
et ton air mutin !
(Hôtel Sarciron, Le Mont Dore, 18 juillet 2025)
Élégance et tailles minces
Chevilles fines, talons
perchés
Cuisses et derrières rebondis
Trois grâces amies partent en
soirée
Les deux brunes et la rousse
incendiaire
s’en vont pour faire la fête
À la galerie des glaces savourer
Du rose, du bleu, du rouge
Colorent leurs postérieurs
bien ronds
La ligne haricot vert, elles
s’en fichent
Ce n’est plus dans l’air du
temps
Ce soir elles lui font la
nique
Sucre, beurre et tutti quanti
Rosé, et plat de spaghetti
Dessert crème et tutti frutti
Et tant pis pour les calories
Les balances, elles les ont
cassées
Les diktats de la mode
qu’elles choisissent
Sur leur pétard joufflu,
elles l’affichent avec
volupté
Et tout le monde sourit,
conquis
En voyant le trio passer
Mon épouse décide d'aller voir l'exposition organisée par un groupe dont les membres réalisent de ces petits vitraux décoratifs que l'on peut suspendre devant une fenêtre : une des participantes à son atelier de peinture sur soie en fait partie.
Tant qu'à jouer taxi me dis-je, autant l'accompagner dans sa visite et jouer les reporters-photographes.
Et me voilà donc occupé à prendre des clichés de toutes ces réalisations (il y avait même une représentation d'Harry Potter et de son harfang Hedwidge).
Lorsque je me suis retrouvé devant la réalisation qui nous occupe aujourd'hui, j'ai pensé (poussé dans le dos par mon neveu Joe) : "Encore un mec qui ne peut s'empêcher d'étaler ses phantasmes dans les grandes largeurs...".
Je cadre (vaguement) et... clic ! je pousse sur le déclencheur .
Ce n'est qu'alors que j'ai vu le petit carton collé sous l'œuvre :
Ben zut, j'avais tout faux : l'auteur de la chose était précisément la copine de mon épouse ! Ma réaction tout épidermique était donc... sans fondements !
Il me faut donc reconsidérer la chose : qu'a bien pu vouloir nous signifier l'auteur (auteure ? autrice ?), par ailleurs plutôt svelte, de cette œuvre ?
Le verre est taillé, mais nos formes sont pleines. Qui est le plus fragile
Elles sont là, solidaires, soudées, assises côte à côte comme trois reines d’un royaume oublié.
Elles n’ont que faire des magazines, des défilés de Paris, ou des injonctions à rentrer le ventre.
Elles trinquent à la vie, aux plaisirs simples, aux fesses qui débordent et aux robes qui serrent.
Leurs corps sont des fenêtres pleines de couleurs.
Des éclats de verre qui captent la lumière.
Elles rient fort. Et quand elles rient, elles font trembler les vitres des normes étroites.
Alors j’hésite quoi développer ?
Lettre à une balance : Règlement de comptes d’une femme qui a décidé d’en finir avec les chiffres du matin.
Dialogue sur un banc : Trois amies se racontent leurs pires souvenirs d’essayages de maillots de bain.
Manifeste corporel : « Je suis ronde et j’avance. » Une déclaration d’amour à soi-même en dix lignes.
Mode d’emploi : Comment occuper une chaise longue sans s’excuser de faire de l’ombre aux autres.
: Que s’est-il passé juste avant ? que vont-elles faire ensuite ? (Une chasse au trésor, une révolution culinaire, une révolte contre le port du legging ?)
Ce soir, les bourrelets se mettent sur leur trente-et-un. »
Depuis quelques jours, je suis intriguée par la présence chez ma voisine, d'un coq décati, à la crête mitée, qui se pavane dans la cour au milieu de ses trois poules. Comme personne n'ignore que Carmen vit pratiquement de la générosité des uns et des autres, je me demande qui a eu l'indélicatesse de lui donner un volatile aussi famélique.
Carmen est une vieille réfugiée espagnole qui a toujours mis un point d'honneur à ne pas parler correctement le français et à ne pas remercier quand on lui apporte de quoi se nourrir. Je n'aime pas aller chez elle : elle ne fait guère d'efforts pour être aimable et sa conversation reste volontairement limitée. De plus, on la dit un peu sorcière. Sorcière, je ne sais pas mais un peu folle ça ne fait aucun doute. Ma curiosité l 'emporte : d'où vient ce drôle de coq ? Je me saisis d'une part de tarte - pour une pâtisserie elle daigne ébaucher un sourire édenté – et me dirige vers sa maison.
Un
poème le logis de Carmen ! Elle vit carrément avec sa volaille et
les crottes jonchent le sol, les chaises et même la table de
la cuisine. Et l'odeur...
Derrière moi, entre le
nouveau pensionnaire qui me fixe d'un œil torve.
Bonjour Carmen ! Il n'a pas l'air commode ton coq ?
C'est mon Julio. Je l'ai trouvé dans le fossé. L'avait peur, le pauvre ! Une bête qui n'a pas eu le temps de le manger sans doute. Il est beau, non ? Et il chante bien. Comme le Julio de mon pays, tu sais ! Tu le connaissais hein ? Mon Dieu, il est mort : il était si beau !
Pour ça, il est beau ce Julio là ! Complètement déplumé, le cou nu et décharné. Un vieux beau quoi ! Et là je ne parle pas du coq !
Il se plaît chez moi. Il est réglé comme une horloge. Le matin, il me réveille puis il s'occupe de mes petites. Mais juste à midi, il vient ici et...tu vas voir !
Douze coups sonnent justement à la vieille pendule. Julio, qui traînait par là, au fond de la salle sombre se redresse. Il se campe devant la comtoise en noyer, perché sur ses ergots. Les ailes en éventail, ses quelques plumes jaunâtres gonflées, la tête en avant et le cou tendu, il se lance. Le bec pourfendeur, il attaque et charge. Et vlan ! Heureusement, il ne pèse pas lourd sinon, il ferait trembler la caisse de l'horloge. Et son cri : un râle rageur !
La pendule égrène à nouveau ses douze coups. Et ô surprise ! Julio change complètement de procédé. Cette fois, il s'approche, fier, arrogant, bombant son torse maigre. Il arrondit son aile droite sur sa patte étirée, baisse la tête comme pour une révérence et coquerique. Puis il passe dignement devant nous et s'éloigne. Étrange ! Les coqs, que je sache, ne sont pas coutumiers de ce genre de comportement.
Mais il est fou ton coq, Carmen !
Non, il est pas fou. D'abord, il se bat puis il fait sa cour. C'est comme ça depuis qu'il habite chez moi.
C'est une boutade ! Pourquoi tout ce cinéma devant ta pendule ?
Ah ! Tu vas comprendre pourquoi !
Carmen me conduit devant la comtoise, frotte un peu le fond de la gaine avec sa manche pour ôter la couche de poussière. Je découvre alors, criblée de coups de bec, une peinture représentant un superbe coq au plumage chatoyant, à la crête et aux barbillons rouge-sang et à la queue en panache. Il surveille, l'air possessif, une petite poule grise et ses poussins, indifférent, tout comme sa compagne affairée, d'abord aux assauts intempestifs puis ensuite aux tentatives de séduction de leur congénère efflanqué mais tout de même en chair et en os, lui !
Je ne peux m'empêcher de trouver le tableau cocasse : un coq avec ses tactiques et une pendule avec ses » tic tac » animent curieusement la cuisine de ma voisine. Qui ne s'en étonne même pas.
Ces pendules arrêtées
Juste avant de tomber
C'est ton héritage
Hors loge
Hors la vie
Une sorte de message
Qu'aucune horloge
Ne dit
Hormis
La dernière heure du jour
Mon amour
Et si je te demandais
Devant autant
de pendules accumulées
Comment va ta peine ?
Et pourquoi
De toi
Faut-il tant
Que je me souvienne ?
Mais souffrir
par toi n'est pas souffrir
Après avoir servi, pendant des décennies,
Les horloges de gare ont été remisées,
Dans une salle pour être exposées,
Et déposées au musée « Train World » à Bruxelles.
Elles vont pouvoir enfin se reposer,
Sans que le temps les harcèle.
Les moins de 50 ans n'ont pu les connaître,
Quand elles ont donné l'heure dans les gares de Belgique.
Toujours précises, grâce à leur mécanique,
Sonnant heures et quart d'heure, il faut le reconnaître.
Elles sont là, plantées dans une salle,
Leur retraite les dispense,
De donner l'heure d'une façon égale,
Et de sonner toutes avec cadence.
Mais parfois un petit génie vient la nuit.
Il s'amuse à toutes les remonter,
Sans être à la même heure, créant une cacophonie,
Il y en a toujours une qui est en train de tinter.
Le musée s'en trouve tout égayé,
Le personnel en a les oreilles brouillées,
Les visiteurs adorent les entendre carillonner,
Et les locomotives veulent partir à l’heure sonnée.
Le tic-tac de l’horloge du
beffroi
Hésite devant son désir fou
d’aller plus vite
Énergiques, les ressorts de
l’horloge palpitent et sautent de joie
Enfin ! Enfin !
Aller plus vite que le temps
qui passe
Moduler les secondes en demi-secondes
Trancher les heures en
demi-heures
Et parcourir les ans, en
dansant sur un cadran isocèle
rompant la monotonie de
l’inexorable métronome
au ronron en rond, identique et perpétuel
Fanfaronner devant
l’Hippogryphe
Qui griffe le graphe des chiffres
Et déploie ses ailes avec
ironie
Prêt à s’envoler vers
l’ailleurs
Aller s’étourdir, enfin, dans
une débauche effrénée
Loin de ce tic-tac lancinant
Qui marque les heures
Qui compte le temps
de la ronde sans fin des
années qui passent
Et vivre à cent à l’heure…
Encore !
Au son de l’Angélus
Tout étonné, le sablier s’est
réveillé
Il voit les aiguilles tourner
plus vite
Et son cœur se met à taper
Et son sable rose, plus vite,
à filer
entre ses bulles de silence
Plus vite, plus vite, il
court vers l’avenir
Vers un ciel sans nuages
Vers sa chimère de mirages
Avec l’horloge folle du
beffroi
Un enfant curieux est passé
Etonné, il a regardé le
sablier
L’a pris et l'a retourné
maladroitement l’a cassé
Sur l’heure, au son triste du
glas et du verre brisé
le sablier a plongé dans
l’éternité
mais le temps a continué de
filer