samedi 26 juillet 2025

Défi #882

   


  

  

Ont examiné le vitrail en détail

 

   


  

TOKYO ; Ghislaine ; Marie Sylvie ; Walrus ; 

Kate ; Lecrilibriste ; François ; Yvanne ;

Joe Krapov ;

   

Les Trois Grâces (Joe Krapov)

 





La zythologie qui, rappelons-le, est la science de la bière, n’utilise pas le même vocabulaire que l’œnologie qui s’occupe du vin. D’un côté on dit jaja, de l’autre on parle de bibine ou de pipi de chat quand iel est tiré·e et qu’il faut le·la boire.

Plus que pour le vin on tient compte pour décrire une bière de sa couleur : blonde, brune, ambrée, blanche ou rousse.

Chacune a son caractère, peut vous mettre le coeur en goguette, être servie à la guinguette en quantité telle qu’en sortant vous marchez de guingois et avez quelquefois, le lendemain matin, une belle gueule de bois.

Il y a des gens qui ont le vin triste. La bière rend toujours gai sauf si un de tes parents se retrouve couché dedans. On parle alors de l’amertume de la bière. Ou de client ivre-mort.

On ne dira jamais d’une bière, comme on le dit d’un vin, qu’elle a de la cuisse, qu’elle est bien charpentée, qu’elle a du corps.

Et pourtant, oui, proclamons le sans peur, la Guinness est un peu épaisse ! La Desperados ne rend pas sac d’os ! La Grimbergen fait péter les gaines tout comme la Goudale désespère Scandale. On se sent vite à l’étroit avec une Stella Artois. La Leffe donne de jolis reliefs. La Pelforth rend les femmes fortes. La Pilsner Urquell laisse quelques séquelles. La Chouffe te donne un look de ouf. La Jenlain, bière de garde, fait que l’on te regarde.

Choisis ton carcan, camarade… anorexique !

Les trois Grâces que l’on voit ici assument de se faire mousser, la chope à la main, ou lèvent bien haut le mot « fière » avec leur verre empli de bière. Thalie, Euphrosyne et Aglaé sont les filles de Bacchus et de Vénus. Pour dispenser aux humains l’égalité d’humeur, la bonne grâce, l’éloquence, la joie de l’âme, la sagesse et la reconnaissance on n’a pas besoin de mettre les formes.

Mesdames, détestez les diktats de la mode ! Assumez la largeur de votre garde-robe ! Choisissez l’allure de votre valseur ! Détestez les faux derches qui inventent les normes ! Soyez rabelaisiennes, ubuesques, imposez leur l’hénaurme ! Soyez plus babas cool encore que Mama Cass !




Entrez dans les ordres mais dans vos ordres : choisissez d’être triple carmélites ou, comme ici, trois dra-gueuzes allant, biques, boire des bocks à la brasserie à s’en faire péter la brassière !

Tant pis si dans le Beaujolais un proverbe dit « prendre son lit pour une tirelire en mettant un gros soûl dedans » et si François Hardy vous invite à écouter de la musique soul à rouler par terre !

Il y a un point sur lequel l’œnologie et la zythologie sont d’accord : ce sont des liquides qu’il ne faut pas boire cul sec !

***

Voilà. J’ai fesse que j’ai pu. J’ai rebondi sur cette image des trois grâces en évitant peut-être le piège qui se trouvait derrière. Je ne doute pas que le texte produit par Vegas-sur-Sarthe sur ce même sujet aurait été plus truculent voire succulent. De mon côté je n’ai sans doute pas décroché la lune mais je pense que mon texte est resté séant et ne mettra pas plus que ça en pétard les dames qui écrivent et lisent par ici. Du moins l’espéré-je ou « l’asperge » comme je dis toujours quand on me demande de plancher en prose ou en vers sur une image qui représente trois femmes maigrelettes en train de se shooter au Mediator dans une forêt de bambous !






Sensualité. (Yvanne)

 

 
 
 

Rubens aurait-il pu peindre ce tableau ?
Non. Il préférait les nus.
Mais il aurait aimé ces chairs pulpeuses.
Dans ce cadre s'épanouissent les trois Grâces,
Un verre de vin rouge ou blanc à la main.
Normal pour des filles de Bacchus !
Ce sont les déesses de la beauté.
Normal pour des filles de Vénus !
Qui est Thalie , personnifiant l'abondance ?
Celle qui porte une robe écarlate sans doute,
La plus dodue, la plus opulente.
Qui est Aglaë la brillante, la lumineuse ?
Celle dont la chevelure rousse flamboie,
Vêtue aux couleurs du ciel et de l'océan.
Qui est Euphrosyne l'espiègle, la joyeuse ?
Celle que le rire fait ployer mollement.
Au zénith de l'élégance en toilette rose poudré.

Peintres et sculpteurs ont célébrés les Charites
En leur donnant des silhouettes harmonieuses.
Nicky de Saint Phalle a cassé les stéréotypes

En osant les Nanas, créatures voluptueuses
Colorées, fantasques et décomplexées.
Un hommage à la femme libre de tout carcan.

Je me suis autorisée à voir dans ce vitrail
Tout simplement un clin d'œil à la féminité.
Sous toutes ses formes.


Les trois grâces (François)

   

Humour

C’est là le souvenir

De trois petites femmes,

Qui loin de dépérir,

Ont oublié d’être diaphanes.

 

La cage d’ascenseur,

Vient comprimer leur pulpeuse chair,

La surcharge les guette, quel malheur,

Peu solides sont les parois de verre.

 

L’anecdote a été peinte,

Façon vitrail sur le mur,

Avec une ferveur empreinte,

Pour vous faire sourire à coup sûr.

 

Les trois grâces* jeu de mot avec une orthographe respectueuse

 

 

Tableau teint (Kate)

 

"Le coeur bien au chaud
les yeux dans la bière..."
chez le gros Adrien et ses parents
avec la Marie-Jo
et avec Marie-Pierre
vous alliez boire vos vingt ans
Marie-Jo se prenait pour Cher
et Marie-Pierre pour Rihanna
et toi qui étais la plus fière
tu te prenais pour toi...
 

Mais c'est un cauchemar
j'en ai marre !
Qu'est-ce qui me prend de chanter
surtout un air aussi peu gai
et d'inventer tout ça ?
Pourquoi a-t-elle accroché
ce tableautin dans les W-C ?
Qu'y a-t-il de frais
De léger, d'enjoué
dans ces trois dames
- fortes femmes !-
qui l'enflamme ?
Moi ça me navre...
L'endroit était-il sans âme
n'était-il pas déjà un havre
neutre et parfait ?
Trop perturbé
embourbé dans le passé
et l'ambiance avinée des cafés
que j'ai toujours détestée
n'en pouvant plus
je t'ai demandé
d'où venait ce tableautin.
Tu m'as répondu
les yeux émerveillés :
- Il n'est pas teint,
il est peint !
Je l'ai acheté chez Aurélien...
J'ai fait : "Hein ?
Au Mont Dore ?
Ta réponse : "Oui j'adore !"
Et j'ai pensé
moi j'abhorre
ce genre de décor
ces verres colorés
ce genre de sujet.
J'ai pensé à ton corps
que tu soignais au Mont Dore
à au mien
qui ne te disait plus rien...
J'ai décroché le tableautin :
"Tiens, emporte-le !"
-Mais où, Jean-François ?
- Où tu veux
mais pars de chez moi !
- Tu me fous dehors ?
- Repars au Mont Dore
avec ton tableautin
et ton air mutin !

(Hôtel Sarciron, Le Mont Dore, 18 juillet 2025)

 

Le Vitrail des Trois Dames (Ghislaine)

   



Au fond d’une ruelle oubliée d’un vieux quartier de Nice, se trouvait une petite église, aux vitres poussiéreuses. Elle ne portait aucun nom
Un soir d’automne, alors que la brume rampait dans les pavés, Léo, un jeune étudiant d’art, y entra par hasard, par une porte dérobée. Au fond de l'église, caché derrière un rideau de velours bordeaux, un vitrail attira son regard. Il représentait trois femmes de dos, voluptueuses, bras levés, chacune tenant un verre de vin, figées dans un moment de joie suspendue. La scène, bien que simple, dégageait un sentiment étrange sans comprendre comment le définir.

Le vitrail semblait respirer.

Intrigué, Léo continua d'avancer pour le regarder de plus près.

La nuit suivante, Léo rêva des trois femmes. Elles dansaient dans une forêt de verre, leurs rires résonnaient comme des éclats de cristal brisé. L’une d’elles se retourna soudainement, et lui murmura ;
"" Libère-nous.""

Comme par un sort du destin, le vitrail etait dans sa chambre
à son réveil. Il ne comprit pas. Il n'en parla à personne.
On l'aurait pris pour un fou d'ailleurs.

Chaque soir, à la même heure, la lumière du crépuscule le traversait, projetant sur ses murs les ombres mouvantes des trois dames. Mais ce qui la troubla, c’est que ces ombre changeaient. Lentement. Chaque jour, elles semblaient s'approcher davantage vers lui.
Et soudain, un soir, le silence de la pièce éclata en un cri de verre.

Le vitrail était vide.

Depuis, dans cette même ruelle de Nice, la petite église a disparu. Mais parfois, au détour d’un rêve certains prétendent entendre des rires étouffés, et voir trois silhouettes qui les appellent au secours.

Léo, lui sait que c'est vrai !

Elles sont prisonnières du vitrail, et il n'y a que Walrus qui sait comment les libérer ! Mais où est il ? Et le fera t il ??

 

Les 3 grâces (Lecrilibriste)

  

 

Élégance et tailles minces
Chevilles fines, talons perchés
Cuisses et derrières rebondis
Trois grâces amies partent en soirée
Les deux brunes et la rousse incendiaire
s’en vont pour faire la fête
À  la galerie des glaces savourer
Du rose, du bleu, du rouge
Colorent leurs postérieurs bien ronds
La ligne haricot vert, elles s’en fichent
Ce n’est plus dans l’air du temps
Ce soir elles lui font la nique
Sucre, beurre et tutti quanti
Rosé, et plat de spaghetti
Dessert crème et tutti frutti
Et tant pis pour les calories
Les balances, elles les ont cassées
Les diktats de la mode qu’elles choisissent
Sur leur pétard joufflu,
elles l’affichent avec volupté
Et tout le monde sourit, conquis
En voyant le trio passer

 

 

Hep, taxi ! (Walrus)

   

Mon épouse décide d'aller voir l'exposition organisée par un groupe dont les membres réalisent de ces petits vitraux décoratifs que l'on peut suspendre devant une fenêtre : une des participantes à son atelier de peinture sur soie en fait partie.

Tant qu'à jouer taxi me dis-je, autant l'accompagner dans sa visite et jouer les reporters-photographes.

Et me voilà donc occupé à prendre des clichés de toutes ces réalisations (il y avait même une représentation d'Harry Potter et de son harfang Hedwidge).


 

 

Lorsque je me suis retrouvé devant la réalisation qui nous occupe aujourd'hui, j'ai pensé (poussé dans le dos par mon neveu Joe) : "Encore un mec qui ne peut s'empêcher d'étaler ses phantasmes dans les grandes largeurs...".
Je cadre (vaguement) et... clic ! je pousse sur le déclencheur .

Ce n'est qu'alors que j'ai vu le petit carton collé sous  l'œuvre :

 


Ben zut, j'avais tout faux : l'auteur de la chose était précisément la copine de mon épouse !  Ma réaction tout épidermique était donc... sans fondements !


Il me faut donc reconsidérer la chose : qu'a bien pu vouloir nous signifier l'auteur (auteure ? autrice ?), par ailleurs plutôt svelte, de cette œuvre ? 

  • inconsciemment, exprimerait-elle le désir enfoui d'avoir elle aussi le popotin mutin ?
  • nous ferait-elle une démonstration plus convaincante encore que celle d'Isaac et sa pomme, de la loi d'attraction des masses ?
  •  en graphiste accomplie, a-t-elle utilisé cette grande surface centrale afin d'attirer notre regard et lui permettre ensuite de déchiffrer les détails qui nous montrent combien les liens entre des amies peuvent être étroits, fusionnels même parfois ?

Vous aurez sans doute d'autres hypothèses que j'ai hâte de découvrir au cœur de vos participations ! 
 
  

LA MÉTAMORPHORE À LA POMME DE TERRE (Marie Sylvie)

 



Lors d'une visite médicale scolaire durant mon enfance, il fut constaté que ma maigreur était prononcée. Quelques jours plus tard, deux figures masculines d'un charisme certain se présentèrent chez mes parents. Ils exigèrent à mon père, qui les accueillit, qu'à leur prochaine visite, quinze jours plus tard, j'eusse une apparence " remplumée" , dénuée de toute marque de sous-nutrition.

Mon père conçut alors l'idée de me faire consommer des pommes de terre. Celles-ci à l'époque, étaient exclusivement réservées à l'alimentation porcine, base de la confection des exquises Rillettes Sarthoises. Ainsi, bien que végétarienne,  je me vis contrainte d'ingérer des pommes de terre frites. Je découvrais alors les frites, lesquelles,  dépourvues de sel, s'avéraient fort insipides. 

Cette enseigne bigarrée, dépeignant trois matrones aux formes généreuses, me remémore ce souvenir cuisant où après une quinzaine de jours passée à être nourrie exclusivement de frites, moi, "Fil de Fer", j'avais non seulement acquis un fessier plus opulent mais surtout je ne disposais plus d'aucun vêtement à ma taille.

Lorsque l'on maigrit, il est toujours possible de porter des habits trop grands, trop amples mais lorsque l'on grossit, la garde-robe devient inadaptée, ne permettant plus d'enfiler quoi que ce soit. Je fus ainsi contrainte d'achever mon année scolaire vêtue d'un bleu de travail issu de l'usine d' Antoigné, le budget familial ne permettant point de pourvoir à mon nouvel accoutrement !

Parfois, un simple aliment, loin de nourrir l'âme, redessine le corps et bouscule le quotidien. 
Les plus singulières métamorphoses s'inscrivent quelques fois dans le secret des assiettes, sculptant au-delà du corps, le fil de nos souvenirs. 


« Rondeurs en vitrail — Éclats de rire contre le culte des hanches creuses » (TOKYO)

   

Le verre est taillé, mais nos formes sont pleines. Qui est le plus fragile

 

Elles sont là, solidaires, soudées, assises côte à côte comme trois reines d’un royaume oublié.

Elles n’ont que faire des magazines, des défilés de Paris, ou des injonctions à rentrer le ventre.

Elles trinquent à la vie, aux plaisirs simples, aux fesses qui débordent et aux robes qui serrent.

Leurs corps sont des fenêtres pleines de couleurs.

Des éclats de verre qui captent la lumière.

Elles rient fort. Et quand elles rient, elles font trembler les vitres des normes étroites.

 

Alors j’hésite quoi développer ?

Lettre à une balance : Règlement de comptes d’une femme qui a décidé d’en finir avec les chiffres du matin.

 

Dialogue sur un banc : Trois amies se racontent leurs pires souvenirs d’essayages de maillots de bain.

Manifeste corporel : « Je suis ronde et j’avance. » Une déclaration d’amour à soi-même en dix lignes.

Mode d’emploi : Comment occuper une chaise longue sans s’excuser de faire de l’ombre aux autres.

: Que s’est-il passé juste avant ? que vont-elles faire ensuite ? (Une chasse au trésor, une révolution culinaire, une révolte contre le port du legging ?)

 

Ce soir, les bourrelets se mettent sur leur trente-et-un. »

 

 

samedi 19 juillet 2025

Défi #881

   

 
  

 

Ont choisi la bonne heure

   


  

TOKYO ; Marie Sylvie ; Walrus ; Lecrilibriste ;

François ; Kate ; Yvanne ; Joe Krapov ;

  

 

Le coq et l'horloge à balancier. (Yvanne)

   


Depuis quelques jours, je suis intriguée par la présence chez ma voisine, d'un coq décati, à la crête mitée, qui se pavane dans la cour au milieu de ses trois poules. Comme personne n'ignore que Carmen vit pratiquement de la générosité des uns et des autres, je me demande qui a eu l'indélicatesse de lui donner un volatile aussi famélique.

Carmen est une vieille réfugiée espagnole qui a toujours mis un point d'honneur à ne pas parler correctement le français et à ne pas remercier quand on lui apporte de quoi se nourrir. Je n'aime pas aller chez elle : elle ne fait guère d'efforts pour être aimable et sa conversation reste volontairement limitée. De plus, on la dit un peu sorcière. Sorcière, je ne sais pas mais un peu folle ça ne fait aucun doute. Ma curiosité l 'emporte : d'où vient ce drôle de coq ? Je me saisis d'une part de tarte - pour une pâtisserie elle daigne ébaucher un sourire édenté – et me dirige vers sa maison.

Un poème le logis de Carmen ! Elle vit carrément avec sa volaille et les crottes jonchent le sol, les chaises et même la table de la cuisine. Et l'odeur...
Derrière moi, entre le nouveau pensionnaire qui me fixe d'un œil torve.

    • Bonjour Carmen ! Il n'a pas l'air commode ton coq ?

    • C'est mon Julio. Je l'ai trouvé dans le fossé. L'avait peur, le pauvre ! Une bête qui n'a pas eu le temps de le manger sans doute. Il est beau, non ? Et il chante bien. Comme le Julio de mon pays, tu sais ! Tu le connaissais hein ? Mon Dieu, il est mort : il était si beau !

Pour ça, il est beau ce Julio là ! Complètement déplumé, le cou nu et décharné. Un vieux beau quoi ! Et là je ne parle pas du coq !

    • Il se plaît chez moi. Il est réglé comme une horloge. Le matin, il me réveille puis il s'occupe de mes petites. Mais juste à midi, il vient ici et...tu vas voir !

Douze coups sonnent justement à la vieille pendule. Julio, qui traînait par là, au fond de la salle sombre se redresse. Il se campe devant la comtoise en noyer, perché sur ses ergots. Les ailes en éventail, ses quelques plumes jaunâtres gonflées, la tête en avant et le cou tendu, il se lance. Le bec pourfendeur, il attaque et charge. Et vlan ! Heureusement, il ne pèse pas lourd sinon, il ferait trembler la caisse de l'horloge. Et son cri : un râle rageur !

La pendule égrène à nouveau ses douze coups. Et ô surprise ! Julio change complètement de procédé. Cette fois, il s'approche, fier, arrogant, bombant son torse maigre. Il arrondit son aile droite sur sa patte étirée, baisse la tête comme pour une révérence et coquerique. Puis il passe dignement devant nous et s'éloigne. Étrange ! Les coqs, que je sache, ne sont pas coutumiers de ce genre de comportement.

    • Mais il est fou ton coq, Carmen !

    • Non, il est pas fou. D'abord, il se bat puis il fait sa cour. C'est comme ça depuis qu'il habite chez moi.

    • C'est une boutade ! Pourquoi tout ce cinéma devant ta pendule ?

    • Ah ! Tu vas comprendre pourquoi !


Carmen me conduit devant la comtoise, frotte un peu le fond de la gaine avec sa manche pour ôter la couche de poussière. Je découvre alors, criblée de coups de bec, une peinture représentant un superbe coq au plumage chatoyant, à la crête et aux barbillons rouge-sang et à la queue en panache. Il surveille, l'air possessif, une petite poule grise et ses poussins, indifférent, tout comme sa compagne affairée, d'abord aux assauts intempestifs puis ensuite aux tentatives de séduction de leur congénère efflanqué mais tout de même en chair et en os, lui !

Je ne peux m'empêcher de trouver le tableau cocasse : un coq avec ses tactiques et une pendule avec ses » tic tac » animent curieusement la cuisine de ma voisine. Qui ne s'en étonne même pas.

 

L'Horloge comtoise (Joe Krapov)

 





« Si tu n’as pas une horloge comtoise à cinquante ans, tu as raté ta vie ! ».

Je ne sais pas qui c’est ce gars-là qui a pondu ça mais à force de faire le Jacques et d’énoncer des sentences aussi idiotes à l’heure ou l’heure figure sur tous les téléphones et les ordinateurs, on voit bien qu’il n’a pas le sens pratique. D'un autre côté, certain des types à qui il a fourgué ses recettes se sont retrouvés entravés par un bracelet... électronique !

La pendule trône dans la salle à manger du nonagénaire. Elle a été achetée par son grand-père. Il y a une histoire concernant cet achat ou le trajet pour la ramener à la maison mais je l’ai oubliée.

C’est que chez ces gens-là, Monsieur, comme dirait un autre Jacques qui lui n’étais pas une brèle, on écrit mais on ne raconte pas sa vie… sauf à table.

C’est dommage. On a entendu plein d’histoires sur Louis de Funès, Achille Zavatta mais il n’y a pas de prescription quand il y a proscription : le fonctionnaire a un devoir de réserve et n’écrira pas ce qu’il sait.

On est assez d’accord sur le fond et sur le fait que les morts sont tous des braves types.

En attendant, tandis que la pendule au salon disait oui disait non, le temps a passé, les générations se sont suivies et ne se ressemblent pas. Tout ce qui s’est entassé dans un innommable désordre et dans les différentes pièces de cette maison, ça va nous rendre fous et folles.

Moi je ne suis pas ici pour raconter ma vie mais maintenant que j’ai vu « en vrai » la table du Dr Zigmund, je suis prêt à m’allonger sur son divan et à dire « J’ai mieux chez moi » : j’ai la sacoche de Marie-Louise, les deux boîtes de gelati Motta de Geneviève, les plaques de verre de Paul-André, sa boîte Alsace avec les mini-albums, le classeur vert, l’album rigide, la boîte archives, la boîte rouge, l’album rouge, l’album marron, les fiches perforées, la boîte marron, la boîte à chaussures Impulse…

J’ai descendu tout ça dans la loggia et sur mon bureau, histoire de retrouver les photos originales d’«Il était une fois» et de «Chemins d’enfance» et de me servir de tout ça pour présenter un de ces jours – EN NUMÉRIQUE ! - une photothèque rangée chronologiquement.

Comme dirait Fernand Raynaud, « Ça va prendre un certain temps ». La comtoise va encore faire sonner un certain nombre d’heures.

Comment ?

Ah oui, c’est vrai elle ne marche plus. On l’a gardée parce que chez ces gens-là, Monsieur, on ne jette rien : tout peut toujours servir !

Ne serait-ce qu’à pondre un billet pour le Défi du samedi !
 
  

Hors loge (Kate)

 

Ces pendules arrêtées
Juste avant de tomber
C'est ton héritage
Hors loge
Hors la vie
Une sorte de message
Qu'aucune horloge
Ne dit
Hormis
La dernière heure du jour
Mon amour
Et si je te demandais
Devant autant
de pendules accumulées
Comment va ta peine ?
Et pourquoi
De toi
Faut-il tant
Que je me souvienne ?
Mais souffrir
par toi n'est pas souffrir

 

CACOPHONIE CHEZ LES HORLOGES (François)

 

Après avoir servi, pendant des décennies,

Les horloges de gare ont été remisées,

Dans une salle pour être exposées,

Et déposées au musée « Train World » à Bruxelles.

Elles vont pouvoir enfin se reposer,

Sans que le temps les harcèle.

 

Les moins de 50 ans n'ont pu les connaître,

Quand elles ont donné l'heure dans les gares de Belgique.

Toujours précises, grâce à leur mécanique,

Sonnant heures et quart d'heure, il faut le reconnaître.

 

Elles sont là, plantées dans une salle,

Leur retraite les dispense,

De donner l'heure d'une façon égale,

Et de sonner toutes avec cadence.

 

Mais parfois un petit génie vient la nuit.

Il s'amuse à toutes les remonter,

Sans être à la même heure, créant une cacophonie,

Il y en a toujours une qui est en train de tinter.

 

Le musée s'en trouve tout égayé,

Le personnel en a les oreilles brouillées,

Les visiteurs adorent les entendre carillonner,

Et les locomotives veulent partir à l’heure sonnée.

 

Folle horloge (Lecrilibriste)

 

 

Le tic-tac de l’horloge du beffroi
Hésite devant son désir fou d’aller plus vite
Énergiques, les ressorts de l’horloge palpitent et sautent de joie
Enfin ! Enfin !
Aller plus vite que le temps qui passe
Moduler les secondes en demi-secondes
Trancher les heures en demi-heures
Et parcourir les ans, en dansant sur un cadran isocèle
rompant la monotonie de l’inexorable métronome
au ronron en rond,  identique et perpétuel
Fanfaronner devant l’Hippogryphe
Qui griffe le graphe des chiffres
Et déploie ses ailes avec ironie
Prêt à s’envoler vers l’ailleurs
Aller s’étourdir, enfin, dans une débauche effrénée
Loin de ce tic-tac lancinant
Qui marque les heures
Qui compte le temps
de la ronde sans fin des années qui passent
Et vivre à cent à l’heure… Encore ! 

Au son de l’Angélus
Tout étonné, le sablier s’est réveillé
Il voit les aiguilles tourner plus vite
Et son cœur se met à taper
Et son sable rose, plus vite, à filer
entre ses bulles de silence
Plus vite, plus vite, il court vers l’avenir
Vers un ciel sans nuages
Vers sa chimère de mirages
Avec l’horloge folle du beffroi 

Un enfant curieux est passé
Etonné, il a regardé le sablier
L’a pris et l'a retourné
 maladroitement l’a cassé
Sur l’heure, au son triste du glas et du verre brisé
le sablier a plongé dans l’éternité
mais le temps a continué de filer

 

Défi #892

    Sur une jambe de bois ?    Rustine