Alors que je regagnais mon
domicile en compagnie de Catherine, une camarade avec laquelle je
partageais les bancs de l'école tenue par les Sœurs, le véhicule de
transport scolaire nous déposait invariablement en lisière de route. Il
nous incombait alors de parcourir le dernier kilomètre à pied, le long
de cette modeste voie campagnarde. C'est au cours de l'une de ces
promenades que nous fûmes les témoins d'une scène des plus singulières :
Un bovin pourchassant avec une vélocité surprenante un tracteur. Dans
notre candeur enfantine, nous supposâmes que le paysan avait dû priver
son animal d'eau ou de nourriture pour que celui-ci manifeste une telle
ardeur à sa poursuite.
Une
fois parvenues à la demeure de Catherine, l'hilarité nous tenaillait
encore. Sa mère, Cécile, une figure maternelle que j'aurais souhaité
avoir tant sa douceur était manifeste, nous interrogea naturellement sur
la cause de notre frénésie joyeuse. Nous lui relatâmes alors, avec
force détails, comment cet animal bovin poursuivait avec une telle
ardeur le tracteur du Père Léon.
Elle
leva les bras au ciel, geste d'exaspération mêlée d'une certaine
tendresse, et nous narra l'intrépidité téméraire de Léon. Ce dernier
avait eu l'audace d'emprunter le Masser-Ferguson écarlate pour abreuver
Auguste, le taureau. Elle nous expliqua alors, non sans un brin
d'humour, que se déplacer à bord d'un tracteur rouge équivalait à agiter
un molleton de même couleur devant la bête.
Nous
nous précipitâmes aussitôt vers le champ adjacent, où nous découvrîmes
le petit tracteur, gisant sur le flanc. Fort heureusement, Léon avait eu
la prestesse de sauter du véhicule et de se refugier au sommet d'un
arbre tant Auguste s'était montré excité. Seuls des dommages matériels
furent à déplorer, conséquence de la vive sensibilité de Auguste à la
couleur rouge !
tu plantes une ambiance de fin de journée scolaire Le surgissement de l’événement (le taureau) est d’autant plus drôle qu’il est raconté sur un mode feinte ment sérieux. Les , formules qui font mouche. un récit fin, drôle et incarné, porté par une langue ciselée, qui donne à voir autant qu’il amuse. je pense à un Marcel Pagnol revisité par une narratrice sensible au burlesque rural, avec une touche de tendresse feutrée.
RépondreSupprimerBien imaginé ! (si l'on persiste à croire que les taureaux seraient sensibles au rouge alors qu'ils sont daltoniens et que ce sont les mouvements de la muleta qui les énervent...)
RépondreSupprimerOn ne s'attendait vraiment pas à trouver sous cette belle plume un texte aussi olé olé ! ;-)
RépondreSupprimerCher Joe Krapov,
SupprimerJe vous remercie vivement pour votre lecture attentive et votre commentaire qui, comme toujours, suscite la réflexion. Je comprends votre surprise face à une tonalité que vous percevez comme plus légère, constratante avec le registre dramatique auquel vous êtes accoutumée en évoquant les souffrances de ma vie.
C'est précisément là que réside, pour moi, la subtilité de cette écriture. Si les défis proposés par Walrus peuvent, à la lecture, évoquer des souvenirs douloureux, le processus d'écriture lui-même se révèle un acte de profonde résilience. Ce que le lecteur perçoit comme un divertissement n'est, pour moi, jamais dénué de cette toile de fond.
En réalité, même le texte qui paraîtra demain, bien qu'il puisse sembler s'éloigner de la tragédie apparante, n'est pas tant le reflet de ce que j'ai souffert que le témoignage de chemin parcouru. Il incarne cette capacité à transformer les épreuves en une force, même si une certaine frilosité demeure.
Mon souhait le plus cher est que, au-delà de la surface, le lecteur puisse percevoir cette dualité, cette tragédie sous-jacente qui confère à mes écrits toute leur authenticité.
Je vous suis reconnaissante de me donner l'opportunité de préciser cette intention.
Bien amicalement, Marie Sylvie