« Karl Marx et Patrick Modiano, tu les vires par la porte, ils reviennent par la fenêtre ! ».
C’est très particulier de pondre une phrase comme celle-ci à partir d’une photo de tulipes et d’un vieux répertoire téléphonique ayant appartenu à Madame Gallinatcheva.
C’est bien sûr indépendant du fait que Fanfan la Tulipe, héros incarné à l’écran par Gérard Philipe (avec un seul p pour que la rime soit plus riche), était une idole dans les familles communistes des années 1950-1960. Nul n’est besoin de revenir là-dessus ni sur l’adaptation en bandes dessinées de cette histoire signée par Gaty et Nortier. C’était un très bon et bel acteur, immortalisé par Larousse (Petits classiques) dans son costume du Cid, pour qui même les bonnes bourgeoises avaient les yeux de Chimène.
Si Karl Marx repointe son museau c’est surtout à cause de la notion de transfuge de classe. C’est parce que ce tableau fait penser, d’emblée, à une décoration de chambre d’hôtel.
- Et alors ? demande notre ami François Fillon.
Alors l’hôtel et le restaurant, il n’y a pas mieux comme endroits, pour qui vient de la raffarinesque France d’en bas, pour se sentir, une nuit ou deux heures durant, à égalité avec le bourgeois, ne fût-il que petit.
***
Si Patrick Modiano sort, bien involontairement, de son silence de nobélisé, c’est que l’agenda de Mme Gallinatcheva nous plonge dans une époque révolue, celle où les numéros de téléphone ne comportaient que quatre chiffres.
On peut y lire ceci :
« Aiguebelette. Chez Michelon (Hôtel-restaurant) 73610 La Combe. Tél. 79 36 05 02 »
Figure également, à droite, à l’encre rouge, l’appréciation T.B. pour « Très bien ».
Si vous devez aller en Avignon le guide G. – appelons comme cela l’aide-mémoire gastronomique et logis-tique de Madame Simone ! – vous conseille :
L’Hôtel de Garlande 20, rue Galante tél 90 85 08 85
Un séjour en Tunisie vous tente ? Une étape aux îles Kerkennah vous agrée ? Essayez l’hôtel Cercina, 1 rue Sidi Fredj tél. 81 028 !
Si j'étais Patrick Modiano je vous recopierais ici tout le répertoire avec des liens vers les sites webs des hôtels qui, pour la plupart, existent encore !
- Et alors ? insiste l’ancien maire de Sablé-sur-Sarthe.
Alors Mme Gallinatcheva s’est bien transfugée ! Il y a dans ce carnet plus d’une centaine d’adresses dont certaines dans des villes très marquées « tourisme improbable » (Châteauroux, Bagnoles-de-l’Orne, Jalogny, Saint-Nazaire-le-Désert) mais aussi Djerba, Venise, Paris – quatre pages ! - et Tübingen.
Alors il y a aussi, ailleurs-partout dans la maison, des tonnes de photos, d’albums et de boîtes de diapos ramenées de voyages en Syrie, Pologne, Italie, Tunisie, Egypte…
Alors on ne prononce pas les mots « bilan carbone » dans la maison d’une dame décédée vu que les morts sont tous des braves types et que c’était la plus aimable des dames que le narrateur ait connues. De plus on a bien raison, toutes et tous, de profiter de la vie tant qu’on ne nous a pas démontré par A + B que « la mort c’est mieux ! ». L’intelligence artificielle pourrait peut-être répondre à cette question-là mais on a autre chose à faire ces temps-ci que de s’adresser à une machine plus ou moins idiote.
- Quoi donc, Joe Krapov ? Qu’est-ce que tu as de mieux à faire que de jouer aux échecs contre le « bot » de Lichess.org au niveau 4 qui n'est rien d'autre qu'une i.a. ?
- Rêvasser, m’interroger sur les "Bien, Assez bien ou Très bien" qu’elle attribuait dans son carnet. A quoi s’appliquaient donc ces notes écrites en rouge ? A la literie ? Aux repas ? Aux prestations sexuelles de son amant du jour ? A l’ensemble ?
Peut-être cela ne concernait-il que la décoration de la chambre ! Combien aurait-elle mis au tableau des tulipes ?
Si c’est la bonne hypothèse, convient-il d’aller vérifier en Aguessac (Aveyron) si les murs du motel les Artys sont désespérément blancs et dénués de tableaux accrochés au-dessus du lit ? L’établissement n’a pas reçu de note.
***
Je ne saurais terminer ce billet fort irrespectueux envers ma belle-mère préférée sans mentionner deux souvenirs personnels récents.
Grâce à l’artiste Brigitte Baudère des lambeaux de papier peint - provenant peut-être de chambres turpitudesques -, très artistiquement assemblés entre eux, se sont trouvés exposés… dans l’église de Faux-la-Montagne ! Mais on est où, là ? !
Dans cet hôtel de Tours où on nous avait attribué, Dieu sait pourquoi, deux lits séparés, était-il bienséant de positionner au-dessus de nos couches cette peinture érotique à effet aphrodisiaque immédiat ?
OK, je sors !
Un trésor ! Des trésors que tu nous offres si bien présentés ! Le Procope est le plus vieux café de Paris et un lieu magnifique ! Quant au restaurant du 10 rue Chabanais... il jouxtait l’hôtel du 12, lieu mythique ! À Avignon, je préfère l’Hôtel du Cloître... Quant à la présence de Marx et de Modiano, un vrai régal ! Ne tiendrais-tu, Joe, un peu des deux ? Et les transfuges de classe, qui n’en est pas (maintenant que Jean d’Ormesson n’est plus !) ?🤣
RépondreSupprimerC'est une génération qui voulait transmettre des valeurs mais n'a pas pris le temps de raconter son histoire !
SupprimerUn bibliothécaire fou qui passe derrière ne peut donc raconter que des bêtises alors que, comme toi, j'aurais envie d'explorer internet pour voir tous ces lieux, imaginer des itinéraires, réassembler les photos et traces écrites... alors qu'il serait temps de faire cela... pour mes propres carnets ! ;-)
C’est vrai, Joe, bien sûr !
Supprimerje n'en fini pas de mediter depuis
RépondreSupprimerC'est une saine occupation ! ;-)
SupprimerLa question posée, s'il y en a une, est la suivante : "Si nous sommes restés des chasseurs-cueilleurs, comment faire pour partager nos trésors ?"
Pour Faux-la-Montagne, ça n'évoquerait pas un peu la forme de l'Afrique ces lambeaux ?
RépondreSupprimerBien sûr qu'on y pense tous. Le thème de la paréidolie s'est imposé à beaucoup des participant·e de l'atelier d'écriture proposé autour de ces "tableaux".
RépondreSupprimer