Martial les sentit avant de les voir.
Un
parfum lourd, capiteux, entre le musc et le jasmin, se présenta à ses
narines, lui rappelant tour à tour sa mère et sa délicate fiancée. A
moitié engourdi par ces lourdes effluves, il ouvrit les yeux avec
difficulté. La veille au soir, après une course éperdue, il s'était
endormi dans cette clairière, ultime territoire du domaine de ses
parents.
Quand ses yeux se furent habitués à la
lumière crue du petit matin, sa poitrine se serra violemment. Une
assemblée de fleurs sanguines, oranges, cire, du jaune le plus pâle au
rouge le plus flamboyant lui arrivant jusqu’aux chevilles,
l'encerclait.
Martial cligna des yeux, affolé. Il
aurait voulu prendre ses jambes à son cou, fuir au plus vite cet
endroit, mais son corps pesait aussi lourd que du plomb.
Ahanant sous l'effort, il se força à se lever. Un pas après l'autre, il commença à s'extirper de l'amas végétal.
Il jeta un regard autour de lui ; son coeur fit une nouvelle embardée.
Le
temps qu'il se redresse et débute sa marche, les fleurs avaient atteint
sa taille. Les fragrances avaient redoublé en intensité et chaque pas
lui coûtait une énergie folle. A chaque fois que son pied se reposait au
sol, il chancelait, pris de vertiges. Dans un violent effort de
volonté, il s'empêchait de chuter.
Incapable de
supporter plus longtemps l'odeur hypnotique des végétaux qui le
surplombaient désormais d'une tête, il s'effondra. Indifférentes, elles
continuèrent à pousser, inexorablement, jusqu’à former un dôme épais,
empêchant toute lumière de passer.
Quand le soleil commença à décliner, les plantes se rétractèrent, accompagnant sa course vers le royaume de la nuit.
Au moment où l'astre du jour disparu à l'horizon, elles ne dessinèrent plus qu'un large cercle multicolore.
En son centre, un squelette aussi blanc que la neige.
Un texte immersif et organique, qui réussit à transformer une clairière en piège vivant. On pense à une fable moderne, ou à un rêve oppressant. Très belle réussite
RépondreSupprimerQuestion noirceur j'en étais resté au dahlia de James Ellroy. Mais si la tulipe s'y met aussi, j'arrête de jouer les Candide et je ne cultive plus mon jardin ! Foi d'Alexandre Dumas ! ;-)
RépondreSupprimerUn retour glaçant, chère Clio ! ;-)
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