Joe Krapov ; Kate ; Marie Sylvie ; Walrus ;
Vous nous ferez ça en un éclair !
Tonnerre
(Cartouche)
Il y a toujours un sergent recruteur,
Pour que vous puissiez vous engager,
Il vous fera des promesses de menteur,
Qui finiront par vous faire rager.
Un uniforme un fusil et quelques cartouches,
Et vous voilà parti pour guerroyer,
Vous pouvez même tomber comme des mouches,
Votre solde sera récupérée.
Mais ce sergent recruteur est bien connu,
Par la qualité de son flair infaillible,,
Il a su recruter trois éléments,
Plutôt incorrigibles,
Qui voleront la solde du régiment sans retenu,
Leur nom: Cartouche, la Taupe et la Douceur,
Trois drôles de drilles qui agissent en choeur .
En cette fin d'après midi, tout le monde chez Nana cherche Ronchonchon. Chacun s'interroge. Mais où est-il allé avec son vélo ? Il est parti depuis le matin, très tôt. Au poulailler, ça caquette, ça jacasse, ça glousse... On se concerte, on suppute.
Enfin, au grand soulagement de tous, le voilà qui arrive, tirant la langue, soufflant comme un bœuf et complètement à plat après tout ce trajet en traînant sa bécane.
- Scrogneugneu de scrogneugneu j'en peux plus ! Ah si je le tenais le mec je le ferais bruxeller moi, foi de cochon !
De qui parle t-il ? La basse cour est en émoi. Quel est le trublion qui a mis leur Ronchonchon dans cet état ?
Ses favorites, Monette et Simone se précipitent, l'une avec une serviette éponge bien moelleuse, l'autre avec la friandise préférée du cochon : quelques mouillettes baveuses de jaune d'œuf. Le voilà vite requinqué, prêt à regagner sa botte de paille pour une nuit paisible. Les poulettes cependant, ne dorment que d'un œil, craignant pour leur soyeux bien aimé. Soudain, elles se poussent de l'aile. Ont-elles bien entendu ? Pas de doute possible. A plusieurs reprises, le goret grogne dans son sommeil les mots « cocotte universelle, Suisse ». Qu'est ce que ça peut vouloir dire ? Elles lui demanderont le lendemain à la première heure.
Au chant du coq, Monette et Simone, curieuses et intriguées, font un vacarme épouvantable pour réveiller Ronchonchon. Quand enfin il émerge, elles lui servent un bon petit déjeuner avec empressement. L'animal n'est pas d'humeur au saut de sa paillasse et elles le savent. Elles sont tellement avides d'en apprendre davantage que, malgré tout, elles l'abreuvent de questions au sujet de sa somniloquie.
Mal leur en prend : le cochon se met dans une colère noire et reste muet. Les poulettes ne capitulent pas pour autant. Elles sont tenaces. Voilà qu'une idée jaillit de derrière leur crête.
En chœur elles interpellent Ronchonchon. C'est Monette qui s'y colle en premier.
- Mon ami, il faut que tu répares ton vélo au plus vite. Nous devons aller en Suisse.
- Hein ? Quoi ? En Suisse ? Qu'est ce que vous voulez aller faire en Suisse ?
- Mais enfin Ronchonchon tu sais bien que Simone est née à Genève. Et puis, nous avons quelques économies avec la vente de nos œufs. Il serait bon de mettre un peu d'argent de côté par les temps qui courent. Nous irions à la banque...
J'ai envie d'aller voir la mer, moi ajoute Simone. Comme l'autre petite poule, là. Mais évidemment tu ne connais pas l'histoire de la petite poule qui voulait aller voir la mer. Ignorant ! Tu n'écoutes pas quand je lis à voix haute aux enfants le soir.
Elles me feront tourner en bourrique. Complètement folles ces femelles ! La mer ! En Suisse ! Pffff !
Ben oui. Parfaitement. Et le Léman alors ? C'est ma mer à moi riposte Simone. Et je veux y aller demain.
De guerre lasse, le cochon a changé la roue de sa bicyclette.
Le jour suivant, tout le monde en selle ! Pendant que Ronchonchon pédale, les poulettes se serrent l'une contre l'autre sur le porte bagage . Elles ont caché sous leurs ailes des paquets de billets. On les dirait prêtes à s'envoler tant elles sont gonflées.
Dans la corbeille à l'avant, ils ont placé quelques sandwichs préparés par Nana , les euros ont remplacé le camembert dans certains parce que Monette, très prudente, a dit qu'il ne fallait pas mettre tous ses œufs dans le même panier.
Arrivés à la douane, Ronchonchon, la tête dans le guidon, essaie de passer discrètement. Pas de chance : surgit d'une guitoune un énergumène aux bacchantes fournies et aux joues fleuries. (Ne doit pas sucer que de la glace celui là pensent les trois voyageurs)
- Halte ! Qu'est ce que vous avez à déclarer ?
- Rien. On va voir la mer euh.. le lac Léman.
Le douanier les observe en se caressant le menton. Il s'apprête à les laisser passer quand tout à coup il s'exclame :
- Hé, vous, les deux poulettes, qu'est ce que vous avez sous les ailes ?
- Nous ? On emmène nos poussins à la plage. Chut ! Ils dorment.
- Allez, circulez. Il ne sera pas dit qu'un gabelou suisse a des idées pédophiles.
Depuis que je suis enfant, est ce moi ? Ou il y a vraiment une ressemblance entre James Finlayson en drill sergeant, sergent recruteur, avec Laurel et Hardy, bidasses, et Noël Roquevert, le sergent Fier à bras, dit La franchise dans Fanfan la tulipe ? …
Ah, ces seconds rôles de sergents recruteurs, ces bulldogs de la République ou du Royaume, mâchoires serrées, uniforme trop repassé, voix en double take qui casse le tympan des recrues et les nerfs du spectateur.
Et leurs jurons qui se sont édulcorés aux fils des temps dans le genre de Scrogneugneu en francais et D’oh en anglais pour Damn parvenus jusqu’aux Simpson.
Du coup, j’ai pensé mettre en scène mes deux vieux scrongneugneux confondus jadis dans une piécette un peu vaseuse, c’est vrai, mais bon … c’est l’intention qui compte. Avec Fanfan et Laurel et Hardy. De plus, j’y ai rajouté une description de la BD shakespearienne associée.
« Scrogneugneu contre D’oh ! » version bande dessinée
The overturned soup in most wondrous folly
Sous une tente qui fuit, quelque part entre la Flandre et la Fantaisie, un capitaine et un sergent allié font halte, enfin.
Capitaine Bustle (James Finlayson), moustache frémissante et air solennel en chauve qui peut, compte ses recrues :
« Laurel, Hardy… et ce drôle enrubanné qui dit s’appeler Fanfan ? »
Fanfan la Tulipe, sabre au clair, fait un grand écart front banana split à la manière d’un danseur classique :
« Présent, mon capitaine ! Mais je ne combats que pour les beaux yeux des belles et les mauvaises causes ! »
Bustle se redresse, moustache vibrante :
« Soldat, ici on ne combat que pour la gloire ! »
Le sergent Fier à bras (Noël Roquevert), surgit alors, rouge comme un coq de flamand brabant, brandissant un chaudron empli de soupe fumante :
« Pour la gloire ? De se faire marcher sur le pied par un Anglais chauve ? »
Les deux chefs alliés se font face, sabre contre sabre, juron contre juron :
– D’oh ! (Damned)
– Scrogneugneu ! (Sacré nom de Dieu)
À ce moment précis, Laurel trébuche sur un seau, et… whoops ! — le chaudron de soupe vole dans les airs. Hardy ouvre grand la bouche et glisse sur une carotte qui s’échappe du chaos. SPLASH ! Il atterrit dans la soupe, qui éclabousse Fanfan et le sergent rouge de panache.
Fanfan, toujours sur un pied, le théâtre lui sert toujours, encore, attrape son sabre comme un bâton de majorette et pom pom fait tournoyer le chaudron plein de légumes comme une batte de cricket. Du plein la vue comme d’habitude en bravache. Mais que de charisme. Les rubans s’enroulent autour de Laurel, qui tente de courir mais finit par se prendre les pieds dans la tente.
Hardy, trempé jusqu’aux oreilles, essaie de tirer Fanfan vers lui, mais il finit par l’emmener en pirouette dans la boue, avec des carottes qui volent comme autant de confettis.
Mais Fanfan a une mission de son Roi, en missive secrète, donner un bouquet à une princesse. Il est temps. Et pour la livraison du bouquet, Fanfan fougueux va sans réfléchir le livrer, mais se trompe de film.
Il crève l’écran du téléfilm d’Allan Arkush de 2003, uchronique, où un prince et son acolyte sont transformés en grenouille pour toute l’éternité… À moins que ce prince ne convainque une jolie jeune fille de l’embrasser. Du coup Fanfan se retrouve en grenouille avec son bouquet.
Toujours la même rengaine du baiser magique en crapaudine ! Tornado déçu le laisse en plan et rejoint le beau masqué Guy Williams, pour aller galoper autour d’autre pays. Fanfan retourne déçu aussi dans le bon décor. Le petit nuage magique se dissipe, Fanfan redevient humain, bouquet à moitié brûlé. Fanfan, frisé de vapeur : “Je préfère le théâtre, c’est plus stable…”
Bustle, recouvert de boue et de purée, debout, lève le bras et hurle :
« Soldats… je crois que nous venons d’inventer l’OTAN ! »
Le sergent toujours rouge, quant à lui, s’écrase dans un tonneau et en sort la tête à moitié recouverte de soupe :
« Et moi qui pensais que la guerre, c’était du sérieux ! »
Fanfan saute sur Laurel, qui glisse sur Hardy, qui fait tomber un autre seau… et la tente s’effondre en un nuage de toile, de rubans et de légumes volants.
La scène se termine sur un dernier éclat : nos héros, trempés et boueux, se relèvent, debouts, en triangle comique, s’inclinent à la manière d’une troupe de théâtre, et éclatent de rire. En contrepartie ils entament un concours de jurons contre le public qui n’en peut mais :
Sergent Fier à bras : Scrogneugneu, Ectoplasmes à roulettes, Flibustiers de carnaval, Moules à gaufres
Capitaine Bustle : D’oh, Blimey, Oh my god, Bollocks, Little buggers
Hardy doublé par un acteur belge : Frûmez vos guêul, Tiesse di quette, Bôreu d’ troyes et pikeu d’ gades
Laurel par un québecois pur jus : Mausus qu’chus tanné ! Crisse de cave, Câlice de char
Fanfan, bouquet carbonisé : Montjoie ! Saint Denis ! FICHU SORTILÈGE !
Dans la salle, le Capitaine Haddock, ébouriffé, se lève et applaudit : “Tonnerre de Brest ! Quelles belle bande de bachibouzouks, mille sabords !”
Caption final : Thus was born the first Franco-English alliance, pre-Brexit, born of misunderstanding, overturned soup, and wondrous folly !
Avec Gérard Philippe, James Finlayson, Noël Roquevert, Stan Laurel et Oliver Hardy et enfin Emily Beecham-Parcequerousse
« Scrogneugneu contre D’oh ! » – Storyboard BD Complet
Case 1 – Extérieur, tente qui fuit
Caption: Somewhere ‘twixt Flanders and Fancy…
Bustle (moustache frémissante, air solennel) :
• “Laurel, Hardy… and that ribboned knave, Fanfan?”
Fanfan (grand écart frontal, sabre en main) :
• “Present, my captain! For fair eyes and naughty causes!”
Onomatopée: ZING! (Fanfan brandit son sabre)
Case 2 – Gros plan sur Bustle
• “Soldier! Here we fight for glory!”
Sergent Fier à bras surgit, rouge comme un coq :
• “Glory? To be trodden by a bald Englishman?”
Onomatopée: SCROGNEUGNEU!
Case 3 – Duel sabres
Sabres s’entrechoquent :
• Bustle : D’OH!
• Sergent : SCROGNEUGNEU!
Bruit: CLANG! CLASH!
Case 4 – Chaos culinaire
• Laurel trébuche sur un seau : WHOOPS!
• Chaudron de soupe vole : FLY! SPLASH!
• Hardy glisse sur une carotte : SLIP! SPLASH!
• La soupe éclabousse Fanfan et le sergent rouge.
Case 5 – Fanfan acrobatique
• Fanfan, sur un pied, tourne le chaudron : POM POM SWOOSH! ZING!
• Les rubans s’enroulent autour de Laurel : BOING!
• Laurel trébuche dans la tente.
• Hardy tire Fanfan dans une pirouette : TWIRL! WHOOSH!
Case 6 – Livraison du bouquet
• Fanfan traverse le chaos, bouquet à la main : TIP-TOE…
• Il crève un écran voisin où une princesse confuse se penche :
• Fanfan en grenouille : “For thee, my princess!”
• Princesse (mauvaise) : “Euh… merci ?”
• Onomatopée : WHOOPS! (Fanfan l’embrasse et recule sur une peau de banane)
Case 7 – Concours de jurons
• Sergent rouge : SCROGNEUGNEU!
• Bustle : D’OH!
• Laurel : Câlice de char !
• Hardy : Tiess di quette !
• Fanfan, bouquet en équilibre : FICHU RUBAN!
*Tous se regardent, perplexes puis éclatent de rire : HA HA HA!
Case 8 – Bustle héroïque mais boueux
• “Soldiers… I believe we have invented NATO!”
• Sergent rouge sort d’un tonneau, tête pleine de soupe :
• “And I thought war was serious!”
Onomatopée: SPLAT!
Case 9 -Chute finale et hommage Haddock
• Fanfan saute sur Laurel → Laurel glisse sur Hardy → un autre seau tombe : CRASH!
• La tente s’effondre en nuage de toile, rubans et légumes volants : BOOM! WHOOSH!
• Nos héros se relèvent, triangle comique, s’inclinent.
• Dans la salle, Capitaine Haddock, ébouriffé, se lève et applaudit :
• “Tonnerre de Brest ! Quelles belle bande de bachibouzouks, mille sabords !”
Caption final: Thus was born the first Franco-English alliance , pre-Brexit, born of misunderstanding, overturned soup, and wondrous folly!
Après l'épisode des cocottes à bicyclette
Ronchonchon aurait aimé avoir sa revanche sur ce morse,
patron d'estaminet, aux informations douteuses qui se moquait de sa crédulité,
certes pour lui donner une petite leçon de vie,
mais bon Ronchonchon lui, c'est un gros porc, pas un dindon.
En temps que du clan Porcin, il lui préparerait bien un tour de cochon.
Il s'est pourtant gratté la tête, encore et encore,
à en perdre ses bouclettes rugueuses !
Mais Walrus, avait déjà un coup d'avance en annonçant un
SCRO(N) GNEUGNEU comme pour dire à ce cochon de
RON CHONCHON
"Je t'ai bien eu !"
Et Ronchonchon répondre : "Scrogneugneu j'suis pas content"
Ronchonchon 0 - Walrus 2
Oh là là !
Il y a longtemps déjà
j'avais adoré
les chevaliers paysans
du lac de Paladru
(que mes yeux ébahis ont vu)
mais là c'est différent
En cet octobre avancé
on ne l'attendait pas
le moine soldat
et le revoilà !
Scrongneugneu !
Que dire de mieux ?
Les "bigre" et les "bougre" en ritournelle ?
Les "Rogntudjuu !" tonitruants de Prunelle ?
Ajoutons
"morbleu ventreblelu
sacrebleu jarnibleu
palsembleu" voire corbleu
à ces jurons
Et pour finir une chanson
pleine de mots et de bleus
et de mots bleus...
Certaines de ces paroles
pas si folles...
(extrait de :
)
Allez, un truc vieillot qui fleure bon son
maréchal des logis chef en fin de carrière :
Scro(n)gneugneu
La main d’Onia se referma sur du vide.
Elle se trouvait dans une étendue bleutée, où elle n’entendait ni l’écho de ses pas, ni le bruit de sa voix. Sans lumière et sans bruit, elle ne trouvait autour d’elle que du vide.
Découragée, la jeune femme s’effondra sur le sol.
Encore une énigme, encore un transfert vers un lieu dont elle ne maîtrisait rien, sans qu’elle pût y faire grand-chose.
Un bruit strident retentit.
Aussitôt, elle se redressa, le corps figé en posture de combat.
Quand l’écho désagréable se fut dissipé, une silhouette au visage mince et allongé, les cheveux tressés en une multitude de petites nattes, apparut dans le lointain.
Onia eut l’impression que son coeur s’arrêtait de battre. Dans un cri étranglé, elle se précipita vers la femme, indifférente à la sensation étrange de ne plus toucher terre. Celle-ci, en l’entendant, se tourna à demi ; sa bouche s’illumina d’un sourire doux et triste et elle ouvrit les bras.
Onia s’y réfugia, laissant les larmes ruisseler en torrent sur son visage.
Pareilles au cri de l’enfant qui appelle sa mère, ses lèvres ne pouvaient prononcer qu’un seul nom.
- - Ysal !
Maternelle, l’apparition lui caressait les cheveux en lui murmurant des paroles réconfortantes.
A ce contact, les pleurs d’Onia se tarirent peu à peu. A regret, elle se détacha de son vis-à-vis et l’observa attentivement. Ses yeux s’agrandirent quand elle vit, tranchant avec la blancheur immaculée de son vêtement, l’entaille rouge vif qu’elle portait au flanc gauche. Elle balbutia, voulut interroger la jeune femme mais elle ne parvenait qu’à prononcer des paroles saccadées.
— Ysal ! Tu es morte ! Alors où sommes-nous ? Es-tu vivante ? Comment m’as-tu trouvée ? Est-ce moi qui aies perdu la vie ?
Ysal ne lui répondit pas tout de suite. D’un geste doux, elle l’attira de nouveau contre elle et apposa ses mains contre ses tempes. Peu à peu, la crise de panique reflua et Onia put de nouveau respirer normalement.
Ysal lui prit la main et l’invita à s’asseoir.
- - Je suis désolée, ma chérie, c’est un peu déroutant, ça va être difficile de tout t’expliquer. Nous avons peu de temps avant que ton geôlier me découvre. Il va falloir que tu me fasses confiance. Pour commencer, je suis bel et bien morte ; toi, tu es vivante et j’espère pour longtemps.
Ysal ménagea une pause et l’enlaça plus étroitement.
- - Et pour répondre à ton autre question : nous sommes au cœur de ton esprit.
Onia sentit de nouveau son front se couvrir de sueur. Ce que lui disait Ysal n’avait pas le moindre sens. Incapable de se taire, elle saisit la main de son amie et la secoua violemment.
- - Dans mon esprit ? Mais comment ? Et pourquoi ?
De nouveau, Ysal lui sourit et lui apposa une main sur le front.
- - Je sais que mes paroles sont difficiles à entendre mais je n’ai pas le temps de t’expliquer. Si ton adversaire me repère, tu courras un grave danger. Il faut que tu me fasses confiance. Vraiment.
Désespérée, Onia acquiesça. Elle comprenait peu de choses au discours de son amie mais une petite voix intérieure lui soufflait de la croire. Comme si elle avait perçu son monologue interne, Ysal sourit de nouveau et poursuivit.
- - Pour faire bref, j’ai perçu ton désespoir et ta volonté de te soumettre à cet homme. J’ai demandé la permission à l’empereur céleste de venir t’avertir : c’est la pire idée que tu pourrais avoir.
Ces mots ravivèrent la détresse d’Onia. De nouveau, sa voix se chargea de sanglots.
- - Quelles sont mes autres options ? Cet homme a failli me tuer, deux fois. Il vient de me révéler que je suis un monstre, éternellement soumise à une entité qui m’a fait tuer quatre innocents et que je risque d’en massacrer bien d’autres si je ne suis pas capable de maîtriser mes émotions. Il m’a proposé de m’aider à me contrôler, pourquoi ne pas l’envisager ?
Alarmée, Ysal lui serra de nouveau la main et s’efforça de donner à sa voix une tonalité rassurante et convaincante.
- Il t’a menti et manipulée. Dame Essaïra est trop occupée pour perdre son temps à maintenir des humains sous son emprise. Elle a joint ses forces aux tiennes parce que tu te faisais agresser et son humeur s’est aggravée car nous étions en lune de sang Désormais, tu ne dois plus rien craindre d’elle.
- Un meurtre est un meurtre, peu importe les circonstances, murmura Onia d’une voix sourde. Si je succombe de nouveau à la colère, je crains de tout détruire sur mon passage. Peut-être que cet homme….
- Par ton intermédiaire, il espère juste contrôler dame Essaîra pour ses projets de conquête. Quand il verra que c’est impossible, il t’éliminera sans pitié.
- Mais alors, comment…
Tremblante, Onia se recroquevilla un peu plus. Pour se défaire de sa culpabilité, pour se rassurer un tant soit peu quant à son avenir, elle était prête à accorder crédit aux paroles de son amie. Pourtant, son problème demeurait insoluble. Comment refuser l’offre de l’homme sans risquer d’être anéantie ? Comment le convaincre de la laisser partir ?
D’un geste ferme, Ysal la releva et la tint par les épaules.
- Tu disposes encore d’une carte à jouer, la plus importante de toutes. Cet homme a cru te soumettre par ses pouvoirs et en te convainquant de ta dangerosité mais il a oublié une donnée essentielle.
Ysal serra un peu plus les bras d’Onia et la regarda droit dans les yeux.
- Tu es puissante, ma chérie, bien plus puissante que lui.
La jeune femme hoqueta, incrédule ; d’un geste de la main, son amie lui imposa le silence.
- Ne m’interrompt pas s’il te plaît, tu sais que c’est vrai. Tu as survécu. Au fouet et à la faim, au froid, à l’errance, la solitude, la misère et la haine. Tu as même rencontré la mort mais la Faucheuse elle-même n’a pas voulu de toi. Et qui plus est, tu n’as plus rien à perdre. Tu as failli détruire la forteresse et il a été contraint d’utiliser la majeure partie de ses pouvoirs pour te maîtriser. Si tu t’abandonnes à la fureur de dame Essaîra, si tu lui laisses les rênes, c’est la mort assurée pour lui et il le sait. Il suffit que tu l’impressionnes un tant soit peu et il t’ouvrira lui-même les portes.
Une lueur ténue, aussi fine qu’une brindille, s’alluma dans les yeux d’Onia. L’espoir demeurait encore fragile mais elle commençait à y croire, à un détail près.
- Même si tu dis vrai, même s’il me laisse partir, où irais-je ? Si je revis le même enfer,, si je suis de nouveau condamnée à errer sans but, face à l’hostilité de tous, j’exploserai à coup sûr.
En un geste doux, Ysal lui effleura la joue.
- Il y a un sanctuaire, plus haut dans la montagne. Il fait partie des derniers lieux où les savoirs ancestraux d’Edona sont préservés. Ses habitants ont la réputation d’être aussi froid que la glace car ils ont appris à maîtriser leurs émotions. Tu y trouveras la paix et le moyen de vivre avec cette force qui sommeille en toi. Et, je l’espère, la possibilité de donner une nouvelle orientation à ta vie.
Elle avait à peine fini sa phrase qu’elle se plia en deux en grimaçant de douleur. Son image se brouilla à plusieurs reprises.
- Ysal, s’écria Onia en la rattrapant aux épaules. Que t’arrive-t-il ? Ton image pâlit !
Le front trempé de sueur, Ysal se redressa à demi. Elle serra la main d’Onia en un sourire désolé. Un mince flux d’énergie se déversa dans la paume de la jeune femme.
- Il m’est impossible de rester plus longtemps, le maître m’a pratiquement repérée. Ce que je t’ai transmis n’est qu’une rustine, c’est provisoire mais ça suffira.
Terrorisée à l’idée de la perdre, Onia tentait de juguler les larmes qui lui montaient aux yeux.
- Ysal…ne pars pas !
- Je n’ai plus le choix ou tout ceci aura été vain. Prends courage ma chérie, et n’oublie pas : tu es bien plus forte qu’il ne le pense. Flanque lui une bonne frousse et rends toi au sanctuaire. Tu y trouveras de nombreuses réponses.
Dans l’instant qui suivit, Onia se retrouva seule.
Une seconde plus tard, elle se trouvait de nouveau dans la pièce de marbre, affrontant le regard du maître, furieux et déconcerté.
Joe Krapov ; Kate ; Marie Sylvie ; Walrus ; Nana Fafo ; Yvanne ;