Le
sentier s'ouvre comme une promesse chuchotée, sinueux et tendre, une
veine vivante dans le corps de la terre. Il est bordé d'Oliviers, ces
sages gardiens immobiles aux bras noueux levés vers le ciel comme des
moines en prière murmurant des secrets d'écorce et de lumière comme pour
bénir cette traversée. Le soleil, amant discret, caresse la terre avec
une ardeur douce, et l'air s'emplit du parfum enivrant de Fenouil
sauvage qui s'élève en volutes légères comme des soupirs d'herbes
folles, une invitation à l'abandon, une caresse invisible qui s'insinue
dans les pensées, trouble les sens.
Le chemin
serpente, indocile, comme s'il refusait de se laisser dompter. Il
s'enroule autour des collines comme une écharpe de poussière, s'enfonce
dans les silences, et chaque pas sur sa peau poussiéreuse réveille une
mémoire ancienne, un battement oublié dans le cœur du monde.
Elle
avance, portée, bercée. Le rythme est lent, presque cérémoniel. Le
soleil glisse sur sa peau, la réchauffe, la dore. Elle ne parle pas ...
elle écoute. Le souffle de son compagnon, chaud et régulier, résonne
contre elle comme une forge tranquille. Chaque mouvement est une
offrande, chaque frémissement une réponse. Il est là, sous elle, avec
elle, en elle.
Ils
avancent, deux corps en mouvement, en rythme, en silence. Chaque pas
est un battement de cœur, chaque souffle un soupir. Le sol craque sous
les sabots mais c'est un craquement feutré, presque complice comme un
secret partagé. Le vent joue dans ses mèches folles, effleure les
courbes, soulève ses pensées. Elle rit parfois d'un rire discret comme
si elle partageait une confidence avec lui ... une confidence sans mots,
faite de frissons et de regards invisibles.
Leurs
corps s'accordent comme deux notes d'un même chant. Elle ferme les
yeux, s'abandonne à cette danse sans musique, à cette étreinte sans
bras. Le monde devient flou, réduit à la sente, aux odeurs, aux
frissons. Elle sent son cœur battre contre sa poitrine mais aussi sur le
flanc de l'autre. Deux cœurs, une pulsation. Deux âmes, une cadence.
Il
est puissant, elle est souple. Il mène, elle guide. Leurs ombres
s'entrelacent sur la terre argenté, dessinant un ballet ancien, presque
sacré. Le paysage devient un théâtre, et eux, des amants d'un jour, les
acteurs d'un désir muet. Il n'y a pas de mots, seulement des frissons,
des gestes qui parlent une langue oubliée, des silences qui brûlent plus
forts que les cris.
Elle
se penche, s'abandonne, enlace son compagnon avec une tendresse
brûlante. Sa peau frôle la sienne, ses jambes l'enserrent, son cœur bat
contre son flanc. Ensemble, ils ne font qu'un. Une fusion, une ivresse.
Le monde autour s'efface, ne reste que cette cadence, ce souffle
partagé, cette passion qui ne demande rien sinon d'être vécue.
Et
lorsque enfin le sentier s'élargit, dévoilant l'horizon doré,
lorsqu'elle rouvre les yeux, le paysage s'est transformé. Rien n'a
changé ... pourtant tout est différent. Le sentier est toujours là,
sauvage et parfumé. Mais elle le voit avec les yeux d'une femme
amoureuse, non pas d'un homme mais de son cheval. Ce compagnon noble et
sauvage, ce frère d'âme, ce feu vivant sous sa peau.
On
comprend. Ce n'était pas un homme. Ce n'était pas une étreinte humaine.
C'était elle, la cavalière et son magnifique étalon noir qui l'emporte,
l'élève, la consume.
Elle
sourit. Elle est cavalière. Elle est amante. Elle est libre. Une femme
libre et amoureuse, chevauchant son désir comme on chevauche le vent.
Ce n'est pas l'homme qui l'a éveillée mais le galop d'un cœur
sauvage sous sa peau. Là, dans la poussière dorée, elle n'a pas aimé :
Elle s'est souvenue qu'elle était libre.
Un rêve d'amazone...
RépondreSupprimerTexte magnifique avec un effet de surprise rondement mené.
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