samedi 23 août 2025

LÀ OÙ LE SENTIER RESPIRE (Marie Sylvie)

  


  



Le sentier s'ouvre comme une promesse chuchotée, sinueux et tendre, une veine vivante dans le corps de la terre. Il est bordé d'Oliviers, ces sages gardiens immobiles aux bras noueux levés vers le ciel comme des moines en prière murmurant des secrets d'écorce et de lumière comme pour bénir cette traversée. Le soleil,  amant discret, caresse la terre avec une ardeur douce, et l'air s'emplit du parfum enivrant de Fenouil sauvage qui s'élève en volutes légères comme des soupirs d'herbes folles, une invitation à l'abandon, une caresse invisible qui s'insinue dans les pensées, trouble les sens. 
Le chemin serpente, indocile, comme s'il refusait de se laisser dompter. Il s'enroule autour des collines comme une écharpe de poussière, s'enfonce dans les silences, et chaque pas sur sa peau poussiéreuse réveille une mémoire ancienne, un battement oublié dans le cœur du monde. 


Elle avance, portée, bercée. Le rythme est lent, presque cérémoniel. Le soleil glisse sur sa peau, la réchauffe, la dore. Elle ne parle pas  ... elle écoute. Le souffle de son compagnon, chaud et régulier, résonne contre elle comme une forge tranquille. Chaque mouvement est une offrande, chaque frémissement une réponse. Il est là, sous elle, avec elle, en elle. 

Ils avancent,  deux corps en mouvement, en rythme, en silence. Chaque pas est un battement de cœur, chaque souffle un soupir. Le sol craque sous les sabots mais c'est un craquement feutré,  presque complice comme un secret partagé. Le vent joue dans ses mèches folles, effleure les courbes, soulève ses pensées. Elle rit parfois d'un rire discret comme si elle partageait une confidence avec lui ... une confidence sans mots, faite de frissons et de regards invisibles. 

Leurs corps s'accordent comme deux notes d'un même chant. Elle ferme les yeux, s'abandonne à cette danse sans musique, à cette étreinte sans bras. Le monde devient flou, réduit à la sente, aux odeurs, aux frissons. Elle sent son cœur battre contre sa poitrine mais aussi sur le flanc de l'autre. Deux cœurs, une pulsation. Deux âmes, une cadence. 

Il est puissant, elle est souple. Il mène, elle guide. Leurs ombres s'entrelacent sur la terre argenté, dessinant un ballet ancien, presque sacré. Le paysage devient un théâtre, et eux, des amants d'un jour, les acteurs d'un désir muet. Il n'y a pas de mots, seulement des frissons, des gestes qui parlent une langue oubliée, des silences qui brûlent plus forts que les cris.

Elle se penche, s'abandonne, enlace son compagnon avec une tendresse brûlante. Sa peau frôle la sienne, ses jambes l'enserrent, son cœur bat contre son flanc. Ensemble, ils ne font qu'un. Une fusion, une ivresse. Le monde autour s'efface, ne reste que cette cadence, ce souffle partagé, cette passion qui ne demande rien sinon d'être vécue.

Et lorsque enfin le sentier s'élargit, dévoilant l'horizon doré, lorsqu'elle rouvre les yeux, le paysage s'est  transformé. Rien n'a changé ... pourtant tout est différent. Le sentier est toujours là, sauvage et parfumé. Mais elle le voit avec les yeux d'une femme amoureuse, non pas d'un homme mais de son cheval. Ce compagnon noble et sauvage, ce frère d'âme, ce feu vivant sous sa peau. 
On comprend. Ce n'était pas un homme. Ce n'était pas une étreinte humaine. C'était elle, la cavalière et son magnifique étalon noir qui l'emporte, l'élève, la consume. 

Elle sourit. Elle est cavalière. Elle est amante. Elle est libre. Une femme libre et amoureuse, chevauchant son désir comme on chevauche le vent.



           Ce n'est pas l'homme qui l'a éveillée mais le galop d'un cœur sauvage sous sa peau. Là, dans la poussière dorée, elle n'a pas aimé : Elle s'est souvenue qu'elle était libre.


 

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