samedi 4 mai 2024

Mémé Toinette. (Yvanne)

 


Nous avons confié nos deux fils à des nounous jusqu'à ce qu'ils aillent à l'école maternelle. Nos trois petits enfants, eux, ont été confiés par leurs parents à des assistantes maternelles. Autre temps, autre vocable, officiellement depuis une loi votée en 1977. Et je préfère encore ce dernier à celui de « gardienne d'enfant » Gardienne : gardienne de prison, gardienne d'oies ...J'ai même lu qu'il existait, après les pouponnières qui revenaient trop cher, des centres d'élevage d'enfant. C'est fou. C'est moche. Des termes peu adaptés aux enfants selon moi. Qui semblent les reléguer à un niveau inférieur.
En revanche, nounou, il paraît que l'appellation a un côté péjoratif. Qu'elle est réductrice. Qu'elle ne donne pas une belle image de ce métier vieux comme le monde. Il fallait bien inventer une circonlocution pour faire « plus mieux » ! Comme technicienne de surface pour femme de ménage. Être à la mode, politiquement correct, dans l'air du temps quoi, c'était impératif il faut croire. Moi j'aime bien le mot « nounou » : c'est doux. C'est plein de tendresse. Alors je l'utilise tout le temps n'en déplaise.

A la campagne, pas de nounous quand j'étais gamine. A part dans les grandes familles bourgeoises qui avaient du personnel à disposition. On se débrouillait comme on pouvait pour garder ou faire garder ses enfants quand c'était nécessaire. Les bébés dans leur couffin étaient portés dans les prés et les champs. Ils ne risquaient pas de bouger, tout emmaillotés qu'ils étaient dans leurs langes et couvertures molletonnées. Et puis c'était pratique pour que la maman puisse allaiter. Cela devenait problématique ensuite quand l'enfant marchait et ne pouvait pas encore se rendre utile. Il était encombrant et risquait de se blesser à tout moment. Alors on cherchait dans le village quelque vieille grand-mère qui ne pouvait plus travailler et on le lui laissait pour un matin, un après midi parfois pour la journée entière.

C'est ainsi que j'ai passé du temps chez mémé Toinette depuis mes deux-trois ans jusqu'à ce que j'aille à l'école. Je garde un souvenir ému de cette femme. Elle s'occupait bien de moi. Et surtout elle me racontait des histoires. Des histoires vraies. Du moins celles concernant les loups. Je ne sais plus si j'avais peur mais en tout cas j'étais particulièrement friande de ces récits là. Je les réclamais tous les jours. Comme elle devait radoter un peu ça ne la gênait pas de répéter. Je crois même que ça lui faisait plaisir d'avoir une oreille attentive. Elle me parlait de ses années de jeunesse, aux environs de 1890 quand elle était bergère dans son village situé au pied d'une colline. Dans ces années là, les loups sévissaient en Corrèze. Elle était, à ses dires, régulièrement confrontée à l'animal qui cherchait à lui dérober un agneau. Elle m'expliquait qu'elle le faisait fuir en tapant ses sabots de bois l'un contre l'autre. Elle évoquait aussi très souvent le diable qui lui faisait, je pense, encore plus peur que le loup. Elle se signait de façon répétitive et à la va vite pour que le mot lui même ne l'atteigne pas. Je me souviens très bien de ses gestes désordonnés d'alors.

Mes parents apportaient mes repas j'imagine car la vieille femme se nourrissait surtout de soupe n'ayant plus de dents. Mais elle avait un péché mignon. Une gourmandise. Elle aimait les sardines à l'huile. Quand je la voyais sortir une boîte de son placard, je me précipitais. Jamais je n'ai mangé de meilleures sardines que chez Mémé Toinette, ma nounou pour de faux mais que je n'oublie pas comme tous ces braves gens qui ont fait de mon enfance une période de ma vie riche en découvertes et apprentissages.

 

11 commentaires:

  1. Oh quel beau souvenir, j'aimais aussi les histoires de ma mémé Marie qui m'a gardée et même élevée, ça donne envie de devenir une mémé pour émerveiller les enfants.

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    1. C'est un peu plus grande que ma mémé - la vraie - me racontait des histoires quand j'allais garder les vaches avec elle. Il faut raconter des histoires aux enfants ou les lire tout au moins : ils aiment beaucoup et plus tard se souviennent. Et comme tu le dis nana : ce sont des souvenirs merveilleux.

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  2. La "garde" des enfants a toujours été un problème et bien des solutions ont été trouvées. Tu as eu la chance d'avoir Mémé Toinette, Yvanne ! Et moi ma maman...

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    1. Tu as raison Kate : encore maintenant il est très difficile de faire garder les enfants quand les deux parents travaillent. Quelquefois, les grands-parents à la retraite sont mis à contribution et comme ils (je) ne demandent que ça.. :-)

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    2. Une fois trouvée la crèche ou la nounon ("assistante maternelle"), restent les jours (imprévus) où l'enfant est malade et les parents bien occupés... et les grand-parents pas forcément proches ou disponibles... "C'est la vie" !,)

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  3. très joli! on aime lire des histoires comme ça, merci :-)

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    1. Merci Adrienne ! Contente que tu m'aies lue. ;-)

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  4. C'est malin ! Maintenant, je vais devoir aller acheter quelques boîtes de sardines, émincer de l'échalote et presser un peu de citron...

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    1. Je les mange avec juste un filet de vinaigre. ;-)

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  5. J'aime beaucoup tes souvenirs que tu racontes si délicieusement.

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  6. Merci joye ! C'est gentil ! ;-)

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        Walrus ; Lecrilibriste ;