Le lendemain, jour d'arrivée du mari de la voisine – selon ses dires - il n'y a pas âme qui vive dans le jardin de Madame Pascalini ( c'est son nom lui a précisé la boulangère qui sait tout.) René n'a guère prêté attention à cette absence d'époux annoncé. Mais pas de Monsieur Pascalini en vue les jours suivants. Bizarre ! Et les volets s'ouvrent de moins en moins souvent. Pourtant il aperçoit de la lumière tôt le matin et tard le soir.
En regardant à travers les thuyas il constate que les feuilles sous les arbres ont été soigneusement enlevées. Il a même retrouvé le râteau prêté, glissé par dessus la haie. Cette femme a des manières étranges se dit René. Elle aurait quand même pu me rendre elle-même mon outil. A l'occasion, il lui en parlera. Sans animosité bien sûr.
Quand il jardine, il lève quelquefois la tête en direction de la maison voisine. Quelque temps après, ô surprise : la dame lui tourne le dos mais elle est bien là, dans son enclos, occupée à cueillir des fleurs. René n'hésite pas. Il s'approche et va lui proposer une salade pour entrer en matière. Il la hèle mais elle ne répond pas. Peut être est-elle sourde ? Il crie plus fort. Pas le moindre mouvement en face. De guerre lasse, René abandonne.
Il revient sur ses pas et réfléchit. Ce n'est pas possible de continuer comme ça marmonne-t-il. Il n'aime pas qu'on le snobe. C'est vrai qu'il a eu des idées un peu lubriques quand elle lui a parlé la première fois. Peut être même a-t-il prononcé des mots peu appropriés mais il y avait de sa faute à elle. Il ne pense plus du tout à ça. Il veut surtout des relations de bon voisinage. Ni une, ni deux, il prend sa laitue et va frapper chez cette voisine ingrate. On verra bien.
René est là, planté
devant chez elle. Il sonne. Une fois. Deux fois. Puis longuement. Il
voit un rideau bouger et brusquement, la porte s'ouvre en grand.
- Que me voulez-vous ?
- Mais...Rien Madame
Pascalini. (René est suffoqué par cet accueil.)
- Ben alors qu'est ce
que vous faîtes là ? Je ne vous ai pas sonné ! Et
comment vous connaissez mon nom ? C'est trop fort : vous
surveillez ma boite aux lettres sans doute.
- Non. Sûrement pas.
C'est la boulangère... Peu importe. Juste... Je voulais juste mieux
faire votre connaissance en tant que voisin. Et puis vous dire qu'il
ne faut pas hésiter à me demander des services. Je suis à la
retraite et très disponible et si je peux me rendre utile, c'est
toujours avec plaisir.
- La boulangère. Quoi,
la boulangère ? Ah, la boulangère. Ça ne m'étonne pas. Je
vais lui dire deux mots tiens à cette pie bavarde. Et puis, il me
semble vous avoir fait comprendre que je n'avais besoin de personne.
Ensuite, je n'aime pas votre façon d'agir. Vous m'espionnez.
- Comment ? Mais
pas du tout. Je ne vous surveille pas Madame. Je ne suis pas curieux.
La vie des gens ne m'intéresse pas vous savez.
- Ben voyons !
Vous croyez que je ne vous vois pas ? Sans arrêt à regarder
chez moi. Vous cherchez quoi à la fin ? Ah oui j'oubliais vous
êtes en plus du genre libidineux. Je suis venue ici pour être
tranquille et vous m'importunez. Rentrez chez vous.
- Oh pardon Madame !
Vous allez prendre ma salade quand même ? C'est de bon cœur...
Vlan ! La porte
claque et René en reste pantois, sa belle batavia à bout de bras.
Alors là, tout de
même, vraiment atteinte de paranoïa la mère Pascalini ! Je
l'espionne. Ça alors ! Et puis quel con je fais d'aller chez
elle. J'aurais dû me douter qu'elle avait un blème cette nana.
Tenez, mes poulettes,
mangez la bonne salade de René. Au moins, vous savez profitez vous
et vous avez la reconnaissance du ventre en me donnant de bons œufs
frais. Sacrée bonne femme va !
C'est difficile de jouer les ermites entourée de voisins sociables... ;-)
RépondreSupprimerSuperbe texte, Yvanne, comme d'habitude. Surtout riche en possibilités.
RépondreSupprimerIl y a de quoi devenir parano avec les salades d'un voisin
RépondreSupprimerune voisine comme ça, ça donne envie de déménager sur le champ !
RépondreSupprimerUne vraie parano, quoi !,)
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