Le souffle court, Onia reprit contact avec la
réalité.
La vue de la salle de marbre et celle du trône désormais en miettes
brisait le soulagement qu’elle avait ressenti en voyant Ysal. Malgré les
paroles rassurantes de son amie, elle n’était pas encore sortie
d’affaires.
Raison de plus pour continuer à se battre.
Elle se releva en serrant les dents, mobilisant toutes ses forces, mais elle ne put s’empêcher de chanceler.
Avec une surprenante sollicitude, l’homme lui saisit le bras pour l’aider à se stabiliser.
—
Ma chère, vous pouvez vous vanter de m’avoir causé une sacrée frousse.
Pendant un temps, vous m’êtes devenue inaccessible. C'était fort
désagréable. Si nous reprenions là où nous avons été interrompus ?
L’expression arrogante de l’homme et la certitude de sa voix fit
vaciller un instant la résolution d’Onia. S’opposer à lui de front,
n’était-ce pas une folie ?
Elle n’avait pas fini de formuler cette pensée que les paroles d’Ysal lui revinrent en mémoire.
Tu es bien plus puissante que lui.
Armée d’un nouveau courage, elle s’éloigna de quelques pas et le fixa, résolue.
— Vous devez faire erreur. Vous ne serez pas mon nouveau maître.
De triomphante, la bouche de l’homme se déforma en un rictus furieux.
—
Petite garce ! Avez-vous oublié que je puis vous tuer d’un geste ? Que
je tiens votre vie entre mes mains, que je puis vous réduire en
poussière si je le voulais ?
En réponse, Onia se concentra, appelant à elle tout le pouvoir que
lui avait transmis Ysal. Deux cercles de lumière se matérialisèrent dans
ses mains. Bien que surpris, l’homme ne recula pas ; ses yeux
s’écarquillèrent et un large sourire se dessina sur sa bouche.
Onia pâlit, ses mains se mirent à trembler ; les deux boules dorées grésillèrent, instables.
Au même instant, la jeune femme sentit une présence dans son esprit.
— Un coup de main, chérie ? Tu n’as qu’un mot à prononcer, cette forteresse sera réduite en cendres, et lui avec.
Onia frémit. Le ton moqueur, l’appel au
chaos, la mort, cela ne pouvait appartenir qu’à une seule personne.
Pourtant, elle ne ressentait aucune peur, juste la furieuse envie de la
faire taire.
— C’est hors de question, Essaïra ! Plus de morts inutiles.
— Crois-tu vraiment pouvoir te permettre de refuser ?
L’ironie avait fait place au courroux. Une
onde de colère traversa Onia de part en part. Elle en avait assez de
ceux qui entendaient lui dicter sa conduite, ses décisions, sa loyauté.
— Je n’en sais rien et je m’en moque. Tout ce qui
m’importe, c’est foutre le camp d’ici. Si vous voulez m’aider, faites-le
; sinon laissez-moi en paix !
Un rire, entre grincement et gloussement résonna dans son esprit.
— Chérie, ma beauté, tu es délicieusement
impertinente. Screugneugneu, il y a bien longtemps que je n’avais pas
autant ri ! Pour la peine, je n’exercerai aucun châtiment. Je vais même
te prodiguer un petit conseil. Ma chère Ysal ne t’a pas tout expliqué.
Pour commencer, soit sûre de toi. Comme ma vieille amie a dû te
l’affirmer, tu es bien plus puissante que ce maître de pacotille.
Ensuite, si tu veux augmenter ta force de frappe, utilise tes émotions,
repense à toutes les fois où il t’a humiliée, rabaissée, toutes les fois
où on t’a maltraitée. Appelle ta colère du plus profond de toi jusqu’au
bout de tes doigts. Comme lui, brise ce qui lui est cher et il ne te
résistera plus.
Dans un son de cloche désagréable, Essaîra disparut de son esprit comme elle était venue.
Onia fixa un instant l’homme. L’air triomphant qu’il arborait,
persuadé de la vaincre, la décida, faisant fi de toute prudence, à
suivre le conseil de la Dame. Elle ferma les yeux et transforma en flot
d’énergie pure tout ce qu’il lui avait fait subir. La lumière sur ses
mains gagna en intensité jusqu’à l’insoutenable.
Dans un cri, elle projeta ses boules de lumière sur les statues gardiennes.
Quand l’éclat s’éteignit, il ne restait d’elles que des cendres.
Soufflé par l’explosion, l’homme avait été
projeté contre un mur. Il gisait au sol, un filet de sang lui coulant du
crâne, ses fiers habits froissés et à demi brûlés. Sa poitrine se
soulevait sporadiquement et il contemplait, les yeux hagards, les signes
de son pouvoir réduits à néant.
Onia le contemplait, sans esquisser un geste.
Elle le rejoignit et s’agenouilla face à lui.
— Vous allez me laisser partir, sans me retenir.
Une fois que j’aurai franchi le seuil de la forteresse, nos relations
seront à jamais terminées. Il n’y aura entre nous ni dettes ni
contreparties.
Le regard dans le vague, il acquiesça et toussa.
— Sortez... par où vous êtes entrée. Et accordez-moi...une faveur : appelez...mon guérisseur.
Sans lui répondre, Onia se détourna et quitta la pièce de marbre sans un regard en arrière.
Elle n’eut pas à prononcer une parole.
L’homme qui l’avait guidée à son arrivée se tenait derrière la porte.
Il entra alors qu’elle sortait et lui tendit une torche, tremblant.
Épilogue
Enfin libre, Onia observa son environnement. En face d’elle, un
sentier escarpé descendait vers la vallée de son cauchemar. Sur sa
droite, une route étroite et sinueuse contournait la forteresse et se
dirigeait en pente douce vers une haute montagne, si haute que son
sommet se perdait dans les cimes. Juste avant qu’elle ne sorte, l’homme,
par l’intermédiaire d’un garde, lui avait exprimé ses doutes. Elle si
attachée à sa liberté, serait-elle capable de se soumettre à
d’innombrables règles ? Elle avait souri et commencé à se
détourner. Face à son obstination, le soldat lui avait donné quelques
indications puis désigné le mont comme sa future destination.
Onia respira à pleins poumons l’air de la liberté. Elle ignorait tout, du sanctuaire et de son avenir.
— Qu’importe, s’écria-t-elle, puisqu’aujourd’hui, c’est cette voie que je choisis.
Et elle descendit la montagne en chantonnant un air joyeux.
Mot de l'auteur : Et voilà, telle est la fin des aventures d'Onia (du moins pour le moment
).
J'ai adoré rédiger cet ensemble de textes pour vous, au gré des
propositions de Walrus. Le défi : intégrer chaque mot pour bâtir un
ensemble cohérent et accrocheur.

Si les mots
m'inspirent, je continuerais bien sur cette lancée en faisant vivre
d'autres personnages de mon univers ? Ça vous dirait ? (Dites-le moi en
commentaire
).

Quel talent et quelle imagination ! Je suis en complète admiration car je n’ai pas le moins du monde cette veine épique... Je pensais que, banalement, elle allait ce réveiller d’un cauchemar mais tu l’envoies vers d’autres chemins. J’apprécierais de connaitre d’autres personnages de ton univers d’une grande richesse narrative et poétique. Un grand bravo !
RépondreSupprimerEn gravissant la montagne sous les grondements du tonnerre, Onia se demande ce qui l'attend au sanctuaire...
RépondreSupprimerOnia ou d'autres personnages sortis de ton imagination fertile feront des lectures attendues et prisées. Ne nous en prive pas !
Avec grand plaisir je suivrai tes futures histoires, ça me rappelle mes toutes premières participations en 2018 où j'avais fait comme toi, une histoire au fil des mots du défi (https://pasdetempspourmi.canalblog.com/pages/livre-i---retrouver-jp/36039641.html). C'est passionnant et amusant !
RépondreSupprimerBravo pour l'exercice ! Je pense que le mot "rustine" aurait provoqué une belle crevaison dans mon inspiration en cas de feuilleton. Par contre avec cet épilogue montagneux tu n'aurais pas non plus séché comme je l'ai fait sur le mot "ubac", un inspirant littéraire comme on en fait peu ! ;-)
RépondreSupprimerJe t'envoie immédiatement un bon à tirer en blanc ! ;-)
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