Il fut un temps où le monde s'était tu
Où les mots
Les saveurs
Les parfums
S'étaient retirés comme la mer au loin
Laissant derrière elle un rivage nu
Sans empreinte.
Je m'éveillais d'un sommeil végétatif
Non pas comme une sorte de rêve
Mais comme on revient d'un exil.
La parole
L'écriture
La lecture
Ces compagnons fidèles
S'étaient égarés dans la brume.
Et l'odorat
Ce lien invisible entre le monde et l'âme
Ne me parlait plus que par l'acide
Comme si la douceur m'était interdite.
Alors on m'a offert des fleurs
Des bouquets de souvenirs
Des brassées de tendresse.
Chaque pétale portait une mémoire
Chaque parfum une promesse
Mais je ne les reconnaissais pas.
Le Jasmin me semblait muet
La Rose étrangère
Le Lilas absent
Et pourtant quelque chose veillait.
Sept années ont passé.
Sept années où les parfums sont devenus
Un à un
Comme des enfants perdus qui retrouvent le chemin de la maison.
Le monde s'est mis à respirer autrement
Et moi avec lui.
C'est alors que j'ai rencontré l'Aspérule.
Petite étoile des sous-bois
Discrète et fidèle.
Elle ne s'impose pas
Elle attend.
Elle ne crie pas
Elle murmure.
Son parfum ne s'offre qu'après la cueillette
Lorsqu'elle sèche
Lorsqu'elle se transforme
Comme moi.
L'Aspérule ne se donne pas toute entière au premier regard
Il faut la laisser infuser
Patienter
Écouter.
Elle parle le langage des racines
Celui qui traverse le sol et les silences.
Elle guérit sans bruit
Elle parfume sans ostentation.
Elle est mémoire
Elle est passage.
Je me suis reconnue en elle.
Dans sa manière de renaître de l'ombre
De fleurir sans éclat
De parfumer l'invisible.
Elle m'a appris que la douceur ne se perd jamais
Elle se cache parfois.
Que les mots peuvent revenir
Portés par le vent
Par une feuille
Par une odeur.
Aujourd'hui je découvre encore.
Chaque parfum est une victoire
Chaque mot retrouvé une étoile.
Et l'Aspérule veille
Dans un coin de ma mémoire
Telle une gardienne silencieuse.
Elle me rappelle que la vie est faite de retours
De lenteurs
De renaissances.
Et que même ce qui semble perdu peut un jour refleurir
J'aime la fin rassurante et plein de promesses ...
RépondreSupprimerBelle perspective... et très beau texte, comme toujours !
RépondreSupprimerDe toute beauté encore ! Bravo !
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