samedi 13 décembre 2025

Noëls d'antan. (Yvanne)

  


Les Noëls de mon enfance ne ressemblaient en rien à ceux d'aujourd'hui dans mon petit village de campagne. Pas de père noël moche et défraîchi accroché aux fenêtres des maisons. Pas de guirlandes multicolores et clignotantes donnant un air glauque et blafard aux habitations éparses à la tombée de la nuit. Pas de faux sapin avec de grosses boules rouges et dorées devant les portes et encore moins d'animaux en plastique couverts de fausse neige dans les jardins. Non. Rien de tout cela. Noël était une fête. Une grande fête mais dans le cœur. Et magique aussi quand la Nature nous offrait en cadeau dans sa dormance des Noëls blancs de neige et de givre. Une fête sans artifices et voyeurisme extravagant. Noël était plus pudique, plus intime et laissait dans l'esprit des gens un bonheur simple et partagé. C'était en tout cas cela pour moi.

Chez mes parents il n'y avait pas de décorations et de manifestations particulières. Nous nous contentions d'aller à la messe de minuit le 24 décembre pendant que flambait dans la cheminée une grosse bûche de châtaignier bien sèche, gardée pour cette occasion dans un coin de la cabane à bois. Ma mère et ma grand-mère avaient préparé un réveillon à leur façon : boudin noir grillé sur les braises, jambon et pâté de notre cochon et une tarte aux pommes ou un clafoutis cuits dans le four à pain. Le jour même mon grand-père avait pétri la pâte et allumé le four pour avoir du pain frais. Un festin parce qu'inhabituel. Nous rangions ensuite, mes frères, ma sœur et moi nos pantoufles devant le banc de bois dans l'âtre. Le lendemain nous trouverions une orange, un jésus en sucre, des pralines et souvent des choses utiles : tricots, écharpes et bonnets tricotés par les femmes de la maison.

Le souvenir merveilleux que je garde dans mon cœur est celui-ci. A la demande de Monsieur le Curé nous allions en bande joyeuse dans les bois alentour ramasser branche de sapin, écorces de bouleau, houx , mousse moelleuse et pommes de pin pour embellir l'église et surtout la crèche. Je nous revois, filles et garçons courir sur le sol gelé de la forêt, amassant nos trésors dans des sacs de jute. Nous revenions, rouges de froid et de plaisir. La demoiselle – la sœur de notre curé – nous attendait. Pour une fois, elle quittait son air revêche et nous aidait à vider nos trouvailles dans le chœur. Puis chacun s'affairait à disposer les éléments naturels au mieux. L'église était glacée. Nous ne le sentions presque pas. Quand le froid était trop mordant nous soufflions sur nos doigts engourdis et tapions du pied pour nous réchauffer mais nous n'aurions pour rien au monde abandonné nos travaux festifs.

J'adorais préparer la crèche. Une vieille crèche toute abîmée mais je n'en aurais pas voulu d'autre. C'était ma crèche. Comme elle était belle et odorante parée de sapin et de houx sur son toit et ses parois ! Avec Odile, ma copine, nous disposions la paille apportée par un des garçons - mon frère aîné bien souvent - sur les planches en bois de son sol. C'était ensuite qu'intervenait la demoiselle.
Avant de disposer les santons de terre cuite et l'ange aux ailes bleues qui hochait la tête en recevant une pièce de monnaie, elle parsemait la paille de feuilles séchées et parfumées. Elle nous disait que la Sainte Vierge en avait garni la couche de l'Enfant Jésus pour qu'il ait un sommeil léger et heureux. Elle appelait cette plante « l'herbe de la Vierge ». Elle allait la cueillir au printemps dans un coin qu'elle seule connaissait. Je sais aujourd'hui qu'il s'agissait de l'aspérule grâce à Walrus. Je ne manquerai pas de courir les bois comme dans l'enfance pour en trouver aussi.


 

3 commentaires:

  1. Courir les bois, tuer le cochon, aller à la messe de minuit ? Avec un billet aussi révélateur, l'IA va savoir ou tu... crèches ! ;-)

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    1. Hihi Joe ! Je n'ai rien à cacher. Et puis j'ai mis assez de sous percés dans la tirelire de l'ange pour le voir incliner la tête que je suis certaine qu'il me protège des intrusions de Melle Lia.

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  2. Faudra attendre le printemps pour récolter l'aspérule, mais ça tombe bien pour le Noêl suivant : elle ne développe son arôme de vanille qu'une fois séchée...

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Défi #902

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