samedi 13 avril 2024

Kleptomane (TOKYO)

   

Il fixait depuis plusieurs minutes les plis de son pantalon.

Les fines rayures blanches sur fond de flanelle gris anthracite étaient légèrement plus épaisses

sur la jambe droite que sur la gauche. Cette asymétrie commençait à générer chez lui un profond

Sentiment d’inconfort. Si au moins j’avais pris le temps d’aller dans la cabine d’essayage au lieu de le glisser dans mon sac à dos !!Il sentait la sueur glisser depuis le sommet de son crâne, à travers ses cheveux

Clairsemés et coiffés vers larrière, jusque dans son dos. Le col de sa chemise collait à sa peau et il passait régulièrement une main entre le tissu et son cou pour en détacher le coton. Au dos de la chemise il détecta à la pointe de ses doigts l’étiquette et le prix encore accrochés à l’étoffe de la chemise .Qu’est-ce que je suis nul se dit il .

Il avait beau essayer, son cerveau refusait de lui obéir : il narrivait pas à cligner des yeux et à détacher le regard de ses cuisses.

Le parc étaient silencieux et la lumière du jour tombant donnait au blanc de la villa une teinte

bleutée. Les arbres se réfléchissaient sur son enveloppe vitrée qui en multipliait le nombre.

Ses mains, posées sur les accoudoirs de la chaise, étaient moites. Le métal froid et le cuir chaud

Provoquaient sur ses paumes une sensation étrange.

Il se souvenait du jour où il lavait dessinée. Le soleil frappait la fenêtre de son bureau perché

au 50e étage dune tour de Chicago. La vue sur le Michigan Lake était imprenable. Son déjeuner avait été copieux et il avait eu chaud en regagnant les locaux de son agence. Il craignait d’avoir été suivi quand il s’enfuit sans payer la note du restaurant. Il avait rêvé dune chaise qui lui aurait permis de s’assoupir quelques instants. Une chaise si large qu’elle s’apparenterait à un lit

Ce soir pourtant, il n’arrivait pas à se détendre malgré lassise accueillante. Sa ceinture le

Ligotait, sa chemise l’emprisonnait. Son menton recouvrait l’embouchure de son col, jusqu’à se superposer à lamorce de sa cravate ; il ne respirait plus. Ses chaussettes, trop serrées, coupaient la circulation de son sang et ses chaussures semblaient appartenir à un enfant. Plus, il regardait son corps

et plus celui-ci lui semblait appartenir à un autre.

L’envie le démangeait dallumer le cigare quil gardait en cas durgence dans une poche

Intérieure de sa veste. Il ne cessait douvrir et fermer le capuchon amovible de son briquet dun geste nerveux.  Rien ne lui avait été donné dans la vie de ça ,il en été persuadé .Ce n’était pas une bonne idée de voler tout ce qu’il désirait mais c’était plus fort que lui .Il semblait réparer un préjudice

Il regarda autour de lui, comme le font les fugitifs.

 

5 commentaires:

  1. Excellentissime, j'ai pu revisiter la Tour Willis (anciennement la Tour Sears) dans mes souvenirs bien qu'elle ait 110 étages et non pas 50 comme la tour que tu évoques. Je vois qu'il y a un bâtiment sur Wacker Drive qui a la bonne taille. J'y repenserai la prochaine fois que je serai à Chicago !

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  2. Faucher des vêtements trop petits le ramène-t'il à l'origine d'avoir eu envie de filer à l'anglaise... ? qui sait !

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  3. Saisissant portrait avec de profonds ressorts psychologiques !...

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  4. On imagine bien la névrose qui habite ces personnages tourmentés. Beau texte, Tokyo

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  5. Ahlala ! Faut un minimum de sang-froid pour être kleptomane, voyons ! ;-)

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