J’attends sans doute trop de ce voyage. J’ai toujours beaucoup attendu de la chance, du hasard, des
Hommes aussi. Après deux jours entiers de trajet, la longueur de l’attente aiguise l’impatience.
Dès l’accostage du ferry dans l’île, je commence à marcher. Pour aller là où je vais, il faut suivre un
Long chemin tortueux, taillé dans la roche, jusqu’à la côte tournée vers le midi et vers l’Orient. Je
M’attendais à un décor idyllique pour séjours d’amoureux et chansons romantiques, je découvre la
Violence mortelle des rochers.
Chaleur, sueur, touffeur, sur le sentier pierreux, que la végétation mange par endroits. Les regards
Vers le précipice ne sont jamais très assurés. La Beauté se mérite, la rencontre amoureuse aussi. On ne saurait inventer accès plus décourageant, plus dissimulé — telles les tombes des pharaons égyptiens, qui
Possédaient une entrée dérobée. Ceci n’est pas une entrée, comme un jeu surréaliste : on finit là d’où
L’on est venu, mais indirectement.
Je n’y suis pas encore, je marche, fébrile. Il est là, au bout du chemin. Ma nuit avait été dévorée par l’excitation, comme un enfant la veille de Noël. On m’avait dit tu te marieras au premier regard. La voilà devant moi. Comme seul à seul.
Je l’ai tellement étudié, vue tant de fois sur des photos
Détachées de la réalité, que je crois le connaître par cœur — comme les admirateurs d’une star de
Cinéma, ces êtres un peu inquiétants qui savent tout d’une personne connue et vivent à travers elle.
Tout est identique à ce que j’imaginais. Incrédule, fascinée, je ne suis même pas déçu, alors que je
Craignais le désenchantement — ce que l’on désire trop longtemps, que l’on a dessiné précisément
Dans son esprit, se réalise toujours en-deçà, comme si la réalité était inférieure à l’idée. Le présent
Trompe les attentes du passé. Est-ce qu’Ulysse était déçu au moment de son arrivée à Ithaque ?
Mais sa voix, cassée par un demi-siècle de tabac me fait sursauter. Me serai -je à moitié tromper ? Sa voix semble passée à la râpe à mépris .je comprends pas dis-je c’est quoi l’embrouille ?Il parle trop fort maintenant . Il ne lui viendrait pas de tomber sa casquette et de baisser la voix. Je le fixe comme un dessous de tapis. Je suis comme une innocente condamnée sur cette ile avec ce loustic.
Perfection, Tokyo. Quel texte extraordinaire ! Brava ! Je te le dis souvent, mais à chaque fois, c'est la vérité.
RépondreSupprimernana fafo
RépondreSupprimeroups ! Ah les attentes, les rêves, les fantasmes, ils peuvent nous nourrir mais aussi nous égarer
RépondreSupprimerComme le disait ma cheffe "Dans un rendez-vous, le meilleur moment c'est encore celui où l'on monte l'escalier !"
RépondreSupprimerLa déception n'est rien par rapport au fait qu'on est "seule sur cette île avec ce loustic" !
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