Onia hurlait.
Elle avait l’impression qu’un parasite se promenait dans sa tête, fouillant dans son esprit pour y extirper ses peurs les plus profondes, ses fantasmes les plus enfouis, ses pensées les plus secrètes. Sans gêne, il fracassait les portes, enfonçait ses barrières les plus solides, celles qu’elle avait mis des mois à construire, piétinait son jardin secret et en ouvrait les moindres recoins. Jamais, même pendant les pires jours de sa captivité, elle ne s’était sentie aussi impuissante. Alors qu’elle gisait dans son cachot, abrutie par les drogues et les privations, elle avait encore la ressource de s’évader dans ses rêves et son imagination. Ici, il n’en était plus question. Au moindre mouvement, la main de l’homme se resserrait sur sa nuque, l’empêchant de respirer ; elle ne pouvait qu’assister, impuissante, au viol de tout son être.
Alors que la douleur atteignait son paroxysme, une onde de révolte la traversa. Elle avait tout mis en œuvre pour se sauver, s’extraire de ces quatre murs où l’obéissance tenait lieu de seule valeur et une fois encore, on lui volait sa liberté chèrement acquise. Malgré la poigne de fer qui l’enserrait, elle se força à lutter, rassembla dans ce qui lui restait de conscience l’humiliation de ses genoux sur le marbre froid, la colère face à son mépris et son indifférence, sa fureur face à la domination qu’il exerçait sur elle. Dans les coins de son esprit encore préservés par l’intrusion, elle bâtit une arme forgée au matériel de sa rage. Elle sentit le trouble de l’homme face à cette résistance inattendue et s’engouffra dans la faille. Pied à pied, centimètre par centimètre, elle repoussa l’assaut, forgea une nouvelle barrière. L’homme ahana, lutta à son tour pour reprendre le contrôle.
Percevant la résistance de l’homme, bien plus puissant qu’elle, Onia redoubla d’efforts. Elle assembla en un fouet d’énergie pure son statut de captive, la posture de soumission qu’il lui imposait, y ajouta l’indifférence des villageois, la cruauté des maîtres, leur refus de lui accorder sa délivrance, le sang qui coulait de sa peau déchirée, les entraves qui lui cisaillaient les membres, la rage contre ceux qui voulaient effacer en eux toute trace d’humanité pour en faire des machines à tuer au service de leur idéal. La fureur tournoyait autour d’elle, de lanière devint sphère lumineuse et terrible.
Terrifié, l’homme se troubla une nouvelle fois, son assurance vacilla et il relâcha son emprise.
Pendant de longues secondes, il ne put détacher son regard de la jeune femme, le corps irradiant de courroux, prête à déverser sa fureur sur les obstacles à sa liberté.
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