Nadi observait sans le voir le grand bol de wasabi et la bouteille d’alcool de riz posés devant lui. Il engloutit une cuillère pleine de raifort qu’il fit passer à l’aide d’une grosse goulée. Par la brûlure dans sa gorge, il espérait anesthésier ses regrets et oublier ses remords.
Son sommeil s’était enfui, comme sa raison.
Il Les voyait partout. Dans chaque couloir, chaque salle d’entraînement, chaque dortoir, sur chaque banc, chaque pierre, chaque arbre, chaque plan d’eau. Elles, ne lui accordaient pas un regard. Ou, si leurs yeux se croisaient, Elles les détournaient aussitôt, dégoûtées, brûlantes de haine.
Il fixa la fenêtre. Sursauta.
La nuit s’était fracassée sur la terre, laissant le ciel strié de plaies sanglantes.
Il cligna des yeux, affolé, avala une autre rasade.
Devant lui, le guerrier Orion, couché comme il se devait à cette période de l’année, gisait, sa ceinture en désordre, la pointe d’un nuage enfoncée dans son flanc. De terrifiantes images de son passé se superposèrent à la scène, il La revit s’effondrer, la pointe de son poignard à lui transpercer sa chair à Elle, le sang sur ses mains, Son sourire qui se fige, Sa vie qui s’en va.
Revenu brièvement à la réalité, Nadi vit le wasabi devenir écarlate, son flot grossir, s’épancher au sol comme sorti d’une blessure éternellement ouverte ; les murs se teinter de rouge, gondoler, devenir liquides, former une vague démesurée et s’abattre sur lui. Au lieu de la brûlure dans ses poumons, il sentit la piqûre de milliers de lames dans les moindres parcelles de son corps.
Quand le sang se retira et qu’il put à nouveau bouger, il s’enfuit en hurlant vers la forêt, poursuivi par des milliers de monstres vengeurs. Il courut à perdre haleine, jusqu’à sentir son souffle se raréfier et ses jambes trébucher tous les mètres.
Dans un ultime effort de volonté, il pénétra dans une clairière.
Et sentit son cœur arrêter de battre.
Une jeune femme de dos, en vêtements blancs à l’exception d’un mince trait rouge sur son flanc, les cheveux tressés en une multitude de petites nattes se tenait là, devant lui.
Les larmes ruisselèrent sans discontinuer sur son visage. Tout ceci n’aurait-il été qu’un terrible cauchemar ?
Le coeur gonflé d’espoir, Nadi se rapprocha à pas lents. Son esprit tentait tant bien que mal de le raisonner mais il n’écoutait plus. Sur ses lèvres, un seul nom, celui qui rachèterait tout.
— Ysal ?
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