Marco regarde à la dérobée cette femme installée dans son bar depuis presque une heure. Grande, maigre, elle affiche une bonne quarantaine d'années. Elle ne le dérange pas. D'ailleurs elle lui a poliment demandé si elle pouvait attendre chez lui. Il lisait tranquillement son journal quand elle est entrée. C'est à ce moment là qu'il a vu cette petite voiture blanche immatriculée en Grande Bretagne, garée juste en face sur la place du village. Il y a très peu de touristes en cette fin octobre. Sûrement, ce véhicule lui appartient. Et puis, même si elle s'exprime très bien en français elle parle avec un accent assez prononcé. Il en conclut qu'elle est anglaise. Ils sont légion à posséder une résidence secondaire dans le pays. Il n'est pas étonné outre mesure. Mais alors que fait-elle chez lui ? Qui attend-elle ?
Elle commande une autre tasse de thé et se ravisant, avec un sourire, propose à Marco d'apporter carrément une théière sur sa table. Un grand calme règne dans la salle en ce jour de semaine. Les habitués du matin venant lire les nouvelles fraîches en buvant un café ou un verre de blanc sont rentrés chez eux. Ce n'est pas encore l'heure des joueurs de pétanque ou de belote. Ils viendront après leur sieste. Ils ne sont que tous les deux en ce début d'après midi.
Marco dépose devant sa cliente une grosse théière fumante et aussitôt elle se sert sans tenir compte du geste du patron voulant échanger sa tasse contre une propre. Elle lève la tête pour s'excuser. Elle le remercie aussi gentiment. Marco ne peut s'empêcher de la dévisager. Il avait déjà remarqué sa chevelure cuivrée flamboyante, sagement ramenée en un chignon simple sur la nuque. Sur son visage au teint laiteux une constellation de taches de rousseur lui donne curieusement un air de jeunesse. Mais ces yeux. Ces yeux d'un vert incroyablement intense et profond. Marco se détourne, troublé et regagne sa place derrière son comptoir. Il est certain d'avoir déjà rencontré de tels yeux. Mais chez qui ? Mais où ?
Son regard se porte sans cesse sur cette femme. Elle l'intrigue. Pourtant, elle se comporte naturellement, prend à intervalles réguliers son téléphone, le repose après l'avoir consulté brièvement, contemple sans les voir vraiment les marronniers du square voisin, se tourne de temps en temps vers la porte d'entrée, boit son thé en croisant et décroisant ses longues jambes. Tout ceci calmement et sans hâte. Elle vient de sortir de son sac une pochette plastifiée d'où elle extrait divers papiers dont une lettre manuscrite. Elle la lit attentivement et on sent l'émotion la gagner. Elle interpelle soudain Marco. Ce dernier, surpris, se rapproche de sa cliente. Il comprend qu'elle a envie de parler.- Excusez moi. Vous connaissiez ma grand-mère ?
Peut être. Elle habitait le village ? Qui était elle ?
Madame Barnisse. Henriette Barnisse. (ah les yeux verts, bien sûr : Henriette...)
Henriette ? Je la connaissais très bien. Elle ne venait pas au bourg. Le facteur, l'épicier ou moi même faisions ses courses.
Pourquoi restait elle à l'écart du monde selon vous ?
Elle était assez sauvage votre grand-mère. Et... je peux vous le dire, les gens la croyaient un peu sorcière. Aussi, et ce n'est pas très bien, ils l'évitaient. Sauf quand ils avaient besoin d'elle pour soigner leurs maux. Elle s'y entendait Henriette, pour enlever le feu, réduire une fracture, faire cicatriser des plaies... De plus, elle ne voulait pas être payée et cela arrangeait bien voyez vous. A peine si on lui était reconnaissant pour ses services.
Je sais tout cela. Même si nous ne nous voyions presque pas. Elle m'écrivait beaucoup cependant.Vous devez vous poser des questions et vous demander ce que je fais ici. Henriette m'a légué sa propriété et ses jardins. Un cousin doit me rapporter les clés de sa maison. C'est à lui que j'ai donné rendez vous chez vous. Je vais m'installer ici pour exercer mon métier de naturopathe. Je soigne également par les plantes et j'ai quelques dons. Comme ma grand-mère. Croyez vous que je serai la bienvenue ?
On sent bien qu'avec de tels talents et de tels atouts elle va devenir la "star" du village. Brillant portrait !
RépondreSupprimerUne rousse flamboyante aux yeux verts ! Pourquoi c'est jamais dans mon patelin qu'elles viennent s'installer ces merveilles ? ;-)
RépondreSupprimerCette quadragénaire est pleine de ressources et Marco ne doit plus être de première jeunesse ?
RépondreSupprimerL'histoire se répète ! Peut-être trop belle, hein ?,)
RépondreSupprimerD'abord on va s'en méfier un peu (quoi que une rousse avec des taches de rousseur, ça devrait convenir, surtout aux messieurs ) et ensuite, il faudra attendre tant elle aura du succès !
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