Du ciel, elle semble tomber,
D’une hauteur conséquente,
Mais comment va-t-elle chuter ?
L’épreuve ne lui parait pas éprouvante !
Pour limiter sa prétendue chute,
Elle n'a pas besoin de s'agiter
Démunie d’un parachute,
Elle ne se fera pas mal,
Vous allez le constater.
Le photographe a bien zoomé.
La mer bleue n'est qu'une piscine,
Et la femme dans la mer grise piétine,
Dans l'écume sous un ciel embrumé.
Ras la casquette des vacances chez papy-mamie ! J'ai douze ans quand même. Je suis plus une gamine. Je crois dur comme fer qu'en plus, ils se passeraient de moi. Je le vois bien et je ne fais rien pour arranger les choses. Tant pis pour eux. Je boude. A longueur de journée je boude. Qu'est ce que je peux faire d'autre ?
Je réponds plus aux messages de Manon qui chille sur la plage dans le sud. Elle flambe pour m'épater la gueuse. Je la tej à la rentrée cette meuf mitho 'toute façon. Je peux pas appeler Emma : elle est aux US avec sa famille. Ils sont pétés de tunes ceux là mais ça va : Emma n'est pas iench : elle partage.
Alors j'attends que ça se passe à Bérouet les Bains (c'est moi qui appelle ce trou du c. comme ça) Mais c'est le bagne . Si je reste au lit le matin pour que le temps passe plus vite mamie entr'ouvre la porte de ma chambre dix fois. Pour voir si je suis pas morte. Quand je finis par ouvrir un œil elle fait celle qui est désolée. Elle m'agace. Mais elle m'agace !
Je me lève. Un petit déjeuner ENORME trône sur la table de la cuisine. Et elle me beurre des tartines. Et elle me coupe deux morceaux de brioche qu'elle nappe d'une épaisse couche de confiture. Elle sait pourtant que je n'avalerai rien. Je veux pas devenir une vache. J'ai beau lui dire que c'est du gaspillage. Qu'il y a des enfants dans le monde qui n'ont rien à bouffer. Peine perdue. Elle me trouve maigre .
- « Il faut que tu te remplumes ma chérie. Je me demande ce que vous mangez à Paris. .
D'abord mamie on n'habite pas à Paris. Et ma daronne cuisine.
Ta quoi ?
Ma mère.
Tu veux être polie Cloé ?
Mais c'est pas un gros mot mamie. Tout le monde parle comme ça.
Je veux pas dire mais ils sont bolosses mes vieux quand même. J'ai pas le choix. Il faut que je « sois mignonne » comme ils me serinent à longueur de journée si je veux aller au village cet aprèm.
Tiens voilà encore l'autre qui passe et repasse avec sa bécane devant le jardin. Il est chelou celui là. Askip c'est « une tête ». Il peut bien me calculer. M'en tape. Je le trouve trop moche avec ses grosses lunettes, on dirait un têtard à hublots.
Bon. Ils sont gentils mes grands parents et je les kiffe bien. Mamie m'a donné du flouze ce matin et papy m'emmène au village après sa sieste. C'est trop stylé ! Il y a un trampoline géant au parc. J'adore. J'arrive à rebondir très haut. Ah mais voilà l'intello !
Salut ! Tu veux que je t'envole ?
T'es Goldman toi ? Non. Alors dégage. Tu me bouches la vue. Et déjà qu'elle est pas belle !
Lexique :
Chiller : prendre du bon temps.
Flamber : se vanter.
Tej : jeter.
Mytho : menteuse.
Iench : chienne.
Bolosse : naïf.
C'est trop stylé : c'est trop bien.
- Descends de là immédiatement !
- Peux pas ! C'est trop bien !
- Descends de là tout de suite ! Obéis ! Mais on est où, là ?!
- A Faux-la-Montagne ! Dans la Creuse !
- Et alors toi tu as besoin d'être dans un trou perdu pour rebondir ?
- Pour sûr ! Je peux même dire qu'ici je m'envoie en l'air !
- C'est du propre ! A ton âge !
- Hé ! Ho ! Va pas penser à des choses comme ça, non plus ! Les plaisirs sont tout autant intellectuels que physiques, ici !
- C'est à dire ?
- J'ai vu une exposition, participé à deux ateliers d'écriture, assisté à trois concerts, une soirée goguette, un bal, cinq pièces de théâtre, un spectacle de contes, une lecture concert, une criée de petites annonces drôlissime, quatre lectures dont une très animée des poètes du "Chat noir" que j'adore, un cabaret clown, une rencontre d'autrice, un film documentaire… Tous ça en trois jours, tout gratuit, dans les jardins des habitants, la salle des fêtes ou même l'église. Et je ne te parle pas du discours d'inauguration hilarant de madame le maire ! Inoubliable !
- C'est ça, tes vacances ? Quelle folie ! Que de mots inutiles !
- Justement, ce festival s'appelle "Folie ! les mots" !
- Arrête ça immédiatement et descends de là. C'est terminé, maintenant !
- Justement c'était la 20e et dernière édition. Mais ici c'est une terre de résistance. Il y a des chances pour que des gens prennent le relais et qu'il y ait encore quelque chose l'année prochaine. Sinon l'été 2026 sera bien triste !
- En attendant de pleurer toutes les larmes de ton corps, descends immédiatement et viens rassembler la gauche !
- Bon, OK, j'arrête mais pas forcément pour ça. Il me reste encore trois jours pour faire de la rando dans le coin autour du lac de Vassivière ou du lac du Chammet et au retour on fait un arrêt à Parthenay pour le festival "De bouche à oreille".
- Mais on est où, là ? Indécrottable sybarite !
Est-elle tombée du ciel lors
de la dernière pluie
Est-elle plutôt en train d’y
monter
Pour voir s’il fait toujours
beau au-dessus des nuages
On est-elle en train sans
hésiter, de léviter
Émilie ?
Légère comme une bulle de
savon
Droite comme un
« i »
Sérieuse et concentrée
Cheveux au vent
Elle s’est libérée de la
pesanteur
Et défie la gravitation
Pour quelques instants
Et elle aime ça, qu’on se le
dise !
Elle retombera
Dans la piscine
Ou sur le trampoline
Mais Sans se casser !
Surprendre par
Un saut
Rebondir après le départ
S'élancer vers le haut
Amplifier le rebond
Un corps tendu
Tel un obus
Savourer l'instant
Un paysage changeant
Regarder les toits
S'en remettre à soi
Avoir la joie de trouver bon
Un moment intense
Tel une danse
qu'on décidera de finir
dès qu'on commencera à ralentir...
Sont tombés du ciel (Version dystopique – enfants génétiquement parachutés)
Le nouveau programme s’appelait Drop & Grow.
Les enfants, conçus en laboratoire, étaient parachutés dans des zones à repeupler.
L’État garantissait un pack de départ : un kit d’éducation, deux robots nourriciers, une mission.
Personne ne s’en souvient, mais la première génération fut larguée un 12 mars.
Il pleuvait.
Aujourd’hui, ils ont grandi.
Et ils veulent savoir qui les a lâchés.
Et surtout : pourquoi.